Mise à jour le 26 septembre
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Vendredi 13 d&ecute;cembre 2024 21:46 (Paris)

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Le peintre Préfète Duffaut et la genèse de son oeuvre

Le récit qui va suivre n’est pas soumis à la conformité puisque le personnage concerné ne semble pas obéir tout à fait à une convention. La création de ses œuvres se génère de préférence à travers une transcendance où il nous fait découvrir des figures sophistiquées de son immense talent. De mains de maître, le peintre Duffaut procède à la démonstration de sa perception qualitative de la vie en façonnant dans divers tableaux l’univers complexe d’une colonie très organisée et par-dessus tout, harmonieuse.

Par Marie Flore Domond

Que dissimule la grande force géométrique de l’artiste du monde pictural ? De ce genre naïf ? Naïf dit-on, hein ! Si vous en percevez un sens, c’est probablement une nécessité de combler un besoin historique sous une forme virtuelle.

Les oeuvres entières du peintre Préfète Duffaut détiennent une place enviable de par le monde. Car ses pièces sont bien cotées. Il faut préciser qu’au cours de sa carrière, l’artiste s’est fortement imposé en formant de nombreux élèves devenus autonomes sous l’influence de ses modèles, sa vision, sa philosophie, ses inspirations.

Une révélation de première main

Il y a environ six ans, un de mes connaissances exprima le désir de me présenter mon idole de chanteuse, Emeline Michel à l’occasion de mon anniversaire. Elle venait tout juste de produire l’album Cordes & Âme. J’étais fortement impressionnée par cette œuvre pour le moins pénétrante. Malgré que l’artiste fût au dernier mois d’espérance de son premier enfant, Justin entrepris de l’escorter jusque chez moi. Ce dévouement survenu le jour de ma fête me rendit comblée. Et c’est ce jour là que nous avons planifié une excursion à Toronto pour assister à l’exposition exclusive des oeuvres du peintre Préfète Duffaut qui devait avoir lieu quelques jours plus tard. Je vous parle d’une aventure des plus agréables, un voyage mémorable. Émeraude Michel, la soeur d’Emeline, Justin Desroches, notre ami commun, M Duffaut et moi-même avons séjourné chez le promoteur de l’artiste portant le surnom d’Esprit. Chemin faisant, remontons dans le temps pour revisiter quelques clichés souvenirs. Une bonne opportunité d’infiltrer la présence dans l’absence

Corde & Âme : un excellent album produit à 98 % en créole.

Quatorze chansons y figurent. Les pièces marquantes
Pè etènel
Moso mammam
Ban mwen Lanmou
Respekte’n
Viejo
Foli damou

Justin Debrosse : Agent immobilier et moi-même

Et c’est dans le confort de l’hospitalité du couple Torontois que le peintre, sereinement, m’a mise en confidence de sa vie d’artiste, plus précisément de ses expériences de vie. Visiblement prêt à franchir l’étape bibliographique de son existence, il m’avait fait promettre de faire écho de son récit. J’ai juré de m’acquitter de cette tâche dans les meilleures conditions. Pas question de résumer une histoire aussi surprenante, parfois touchante du moins passionnante. Aujourd’hui, je lève définitivement le voile sur le mystère de l’inspiration du personnage. Ma mission est donc accomplie.

Puisque j’y suis autorisée, je veux simplement sillonner son cheminement, plus particulièrement calibrer un focus sur ses tous premiers débuts en lui laissant pénétrer sa propre lumière pour éclairer le grand public. L’extrait qui suit ne dément pas quelle a été la conviction de l’artiste vingt et une années (21) plus tôt, bien avant notre rencontre de révéler la face cachée de sa profession.

"On ne devient pas naïf, on naît peintre naïf ou on ne le sera jamais. C’est un don comme un autre et ça ne dépend ni de la profession, ni de l’âge, ni du sexe... Les oeuvres des naïfs ne reflètent pas en général le peintre, l’homme ; ce qui prouve une fois de plus que tout vient d’ailleurs... Il y a un mystère de l’art naïf, un mystère que l’on finira tôt ou tard par élucider ; en attendant je ne trouve rien de mieux à dire que ces gens sont habités." Beaux-Arts @ « île en île » Michel Monnin, carnets écrits entre 1975 et 1979 (inédits) En faisant des recherches, je suis tombée sur la collection qui m’impressionne le plus de l’artiste. Et je en vous propose quelque unes :

www.espaceloas.com

Port Imaginaire, Taille en cm 122x51

Les étapes cruciales de la carrière du peintre Préfète Duffaut

Soleil Couchant,Taille en cm : 60 x 50

Préfète Duffaut : un des Artistes Haïtiens les mieux côtés de par le monde

Le peintre Préfète Duffaut témoigne avec fierté sa foi et du miracle de ses creations

L’artiste raconta d’un ton enthousiaste, le regard songeur, le temps de se laisser entraîner dans le tourbillon de ses lointains souvenirs ! Apprenti de son père qui professait dans la charpente maritime, un événement particulier allait basculer positivement sa vie.

Son père s’étant absenté depuis plusieurs mois, à la demande persistante de son épouse, il se devait d’aller à sa rencontre pour lui rendre visite et ainsi l’aider dans sa tâche absorbante qui était de terminer un navire en chantier. Dans la petite localité de Lagonave, la fête de Notre Dame de Lourde s’approchait à pas de géant. Il a été sollicité pour construire une balustrade en vue de la commémoration de la Sainte vierge.

Et comme tout travail exige un salaire, il lui semblait logique de réclamer une somme proportionnelle à la tâche qu’il devait accomplir. Le comité responsable refusa énergiquement son offre en enclenchant un exercice de marchandage qui l’a l’offusqua franchement. Outré même car, il jugeait la chute du prix proposé prenait une forme exagérée pour une négociation sérieuse.

Après avoir jeté un regard respectueux sur la Statue, il décida par un geste magnanimement généreux, qu’il entreprendra le travail gratuitement. Il emprunta des outils ça et là dans le voisinage pour pouvoir se mettre à la tâche. Le soir même où il débuta le travail, il fit un songe de bon augure qu’il rapporta le lendemain au prêtre en charge de la paroisse. Celui-ci lui interpréta le rêve selon le contexte et lui donna les conseils qui s’imposèrent. Conséquemment, il acheva le travail avec beaucoup plus de motivation et dans la mesure de ses compétences.

Ville de Dabel, Taille en cm : 61x51

La satisfaction exprimée par son employeur et le comité en place suscita une série de petites faveurs dont une messe d’action de grâce spécialement à son intention. Il apprécia énormément l’attitude reconnaissante des paroissiens sans arrière pensée. Mais avant de retourner à Jacmel, sa Ville natale, il adressa une prière à la Vierge qu’il formula de cette manière : « Bien heureuse notre Dame de Lourde, c’est moi ton humble serviteur, je te demande de m’accorder ta grâce. Je n’inspire pas forcément à la richesse mais je voudrais que tu me montres ma voie véritable sur le plan professionnel. Et si tu décides de me faire un don, je voudrais qu’il soit bénéfique et profitable jusqu’à la fin de mes jours ». Sa demande fut accordée presque instantanément. À son retour de voyage, sa femme l’attendit impatiemment pour lui annoncer que deux personnes d’origine étrangère voulaient absolument le rencontrer au sujet de l’étoile dessinée au sommet de la façade principale de sa maison de campagne à l’occasion de leur mariage. Ce petit monument décoratif se transforma étrangement en élément déclencheur, suscitant une série de coïncidences heureuses. L’étoile guide attira soudain le regard et les intérêts des touristes. Sans méfiance, ils acceptèrent que les deux intéressés prennent des photos de la maison. Dès que les étrangers prirent connaissance que le paysan avait des aptitudes pour le dessin, le couple lui procura tous les accessoires et matériels nécessaires pour peindre toutes les fantaisies de son imaginaire. De son côté, il fut soulagé d’abandonner le matériel désuet qu’il utilisa avant. C’est ainsi qu’il entreprit ses premiers contacts avec les autorités du Centre d’Art d’Haïti. Ses inspirations se manifestèrent de façon accrue. Il se contenta donc de créer et ses protecteurs se chargèrent aussitôt de vendre ses créations.

Du ton de sa voix, je pouvais déduire qu’il regretta presque d’avoir vendu par innocence les originaux des sept premiers dessins qu’il avait réalisés avant sa vedettariat. Par contre, son expression parut plus joyeuse lorsqu’il parla de son premier cachet significatif. Cette conjoncture bénéfique le marqua pour la vie précisa-t-il. Il ajouta avec émoi que ce fameux chèque fut soldé d’une modeste valeur de $1000 dollars qui représenta une fortune pour lui en ce temps là, si bien que même le directeur de la banque de Jacmel se trouva dans l’obligation de lui exiger quelques pièces d’identité avant de valider la somme. Cette journée là fut particulière, chargée d’électricité, d’imprévisibilité murmura t-il en souriant. Pour goûter pleinement du fruit de son labeur, il acheta un cornet de crème glacée qu’il jeta aussitôt dans un geste indécis. Ensuite, il embarqua dans un autobus pour se rendre chez lui avec empressement. Décision qu’il ne tarda pas à décliner en descendant de l’engin mécanique pour entreprendre une marche de sept kilomètres à pieds à force d’excitation. Le temps de remuer toutes sortes de nouveaux projets pour le futur et surtout toucher constamment aux billets qui se logèrent en sécurité dans sa poche.

Il décrivit la scène de son arrivée à la maison avec passion disant qu’il attrapa sa femme par la main en la précipitant dans la chambre, et là, il étala sa dite fortune en divers billets sur le lit devant les yeux émerveillé de celle-ci. La fête se prolongea très tard précisa-t-il.

Au fur et à mesure, se réveilla en lui la compréhension de l’artiste autodictate très prolifique qu’il est en réalité. Sa carrière principale fut vite devenue la peinture. Il réalisa dès lors beaucoup d’expositions sous la direction de plusieurs promoteurs de différentes galeries. Il avoua avoir acquis des expériences pour le moins profitables.

Sa réputation étant faite, il parvint à forger un style unique. Actif depuis le début des années cinquante, il se rappela avec émerveillement et facilité de la première toile qu’il réalisa après une vision éveillée alors qu’il fixa dans sa cour une rose d’un rosier planté dans un petit parterre en avant de sa maison. De sa mémoire vive, le tableau représenta une toile d’araignée. Parmi ces plus belles expériences picturales, il songea avoir participé à la fresque murale de l’ancienne Cathédrale de Port-au-Prince. Il mémorisa avec nostalgie son implication active dans l’embellissement de la façade extérieure du Théâtre de verdure : un de ses contrats les plus lucratifs à cette époque. Quant à ses pièces célèbres, il ne cita que deux : LA FORTERESSE DE LA PAIX, LES TROIS FEMMES D’ÉGYPTE.

La reconnaissance outre mer

Les membres des Nations Unies ont été les premiers à consacrer son réel talent. Puis, ce fut le tour du Musée Moderne des Arts en Israël. Il peut se vante de pouvoir exposer ses toiles dans les plus grands Musées du monde tels : le Dakar au Sénégal, à Brooklyn, au Musée de Pennsylvanie, au Musée International de Nice, au Grand Palais de Paris entre autres.

Le chevauchement de l’inné, de l’acquis et du merveilleux

Il témoigna avoir reçu une formation académique chez les frères de Jacmel jusqu’a l’obtention de son certificat d’études primaires. Orphelin de mère dès sa prime jeunesse et de parents séparés à son adolescence, abandonna des études supérieures.

Ville imaginaire, 100 X 75

L’artiste exprima avec beaucoup d’émotions de l’époque de ses débuts comme s’il s’agissait d’un miracle du Tout puissant Architecte par l’intersession de la bienheureuse Notre de Dame de Lourde. Mais on se demande si le volume spatial dont il fait preuve dans ses tableaux ne fait pas de lui un « peintre-architecte » de l’univers paradisiaque !

Le peintre Préfète Duffaut : un des bâtisseurs du patrimoine culturel d’Haïti et personnage influent de l’école artistique de Jacmel

Bien qu’en lisant INVENTAIRE DE FIN DE SIÈCLE. Vingt et un jours au pays natal. Grandeur ou décadence de l’auteur Jean L. Prophète, Les Éditions du CIDHICA, 2000, le nom du peintre ne fut pas mentionné, il faut dire que l’auteur s’est attardé sur les écrivains et poètes. Duffaut est reconnu comme étant le père de l’école artistique de Jacmel. En voici une courte narration puisée à la deuxième partie JACMEL APRÈS LE CRÉPUSCULE.

" (...) A ma première visite dans cette ville aux joies simples, dans ce lieu frais de l’amitié, de la poésie, du courage et de l’esprit, éminent paysage humain, évocateur de prestigieuses silhouettes, j’ai vu Juste Chanlatte, Seymour Pradel, Charles Moravia, Michel Oreste, Alcius Charmant, Hannibal Price, Alcibiade Pomeyrac, Mathurin Lys, Roussan Camille, Alain Tunier, Jean Claude Métellus, Maurice Lubin... (...) Tout, choses et gens envahissent la mémoire pour y rester, pour s’y accrocher, supplantant, détrônant tout autre souvenir indigne de la cité. (...) Des paysans, tous aristocrates, et bien plus que tous les aristocrates du monde. Ville capitale, ville sans bidon, ou les pauvres sont aussi riches que les riches. Riches d’un chauvinisme en bonne santé, riches de toute cette histoire turbulente et lumineuse de l’esprit. Ville munie aussi de sa citadelle dont chaque nom de famille, de ces grandes familles illustres en constitue un pilier autant par le talent, par le courage par l’intégrité". (Pages 99-100).

Pour en revenir à l’apport du peintre à l’égard de la colonie artistique de sa Ville natale, sur le plan technique, c’est forcément la jovialité de ses personnages, leurs éclats et la composition de ses couleurs, sa tendance de vouloir toujours maîtriser des symboles primitifs de façon originale, qui lui méritent tant de succès et de popularité. Néanmoins, il manifesta à travers plusieurs mésaventures, une certaine amertume face aux comportements égoïstes et déloyaux de la plupart des gens du milieu mais sans rancune. Il aurait souhaité sans doute une meilleure solidarité, plus de gratitude peut-être !

Un homme de conviction intégrale

Il ne se lassa guère d’honorer la complicité de sa femme. Un être d’une grande sagesse exclama t-il. « Une compagne de vie qui a toujours su respecter mon orientation religieuse malgré que la sienne soit dirigée dans une autre direction. » Le peintre rendit une immense gratitude à son épouse par des propos très élogieux.

Un concours de circonstance bénéfique

Ma rencontre avec le peintre, Préfète Duffaut fut un grand privilège, je vous l’assure. Pouvoir transmettre ne serait-ce qu’un pan artistique est un honneur. Je me suis gardée de romancer cet épisode révélateur de la vie de l’auguste Peintre pensant qu’un témoignage authentique saura pénétrer le cœur des lecteurs sans peine. Je vous laisse sur ce paysage enchanteur de l’artiste.

Une Ville




BÔ KAY NOU


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