Grâce au son de cloche du chroniqueur artistique, Moïse Mougnan du Réseau HEM, j’ai su que le lancement officiel de l’album SAVEUR CRÉOLE signé Kid Fléo s’était produit à la mi-mai 2005. Comme pour suivre les traces d’un mage au service de l’information culturelle, j’ai aiguisé ma plume en pensant que la cible serait facile. J’avais absolument tort de raisonner de la sorte. La chasse a été ardue. Je vous l’assure ! Il a fallu que je prenne mon mal en patience et attendre trois mois avant que ce désir se concrétise. Après avoir épuisé tous les recours formels pour aboutir à une entrevue avec l’artiste sans succès, nous nous sommes rencontrés en tête-à-tête pour une séance de causerie de la manière la plus décontractée possible ; tout bonnement par l’intermédiaire de Chavanne Clerveaux. Sortie indemne de cette folle course, voici les propos de celui qui témoigne fièrement de sa différence.
« Je ne suis ni le meilleur ni le pire. Je suis différent. »
Les fans vous surnomment KID FLÉO au point que bon nombre de gens ignorent votre nom de famille. Est-ce un hasard ?
En fait, je me m’appelle Grégory Séraphin. J’ai choisi ce pseudo à la manière métaphorique. Je trouvais que sur le plan artistique le nom me collait bien. Cela me plaisait d’être « un petit phénomène ». Comme je voyageais beaucoup au début de mon aventure de chanteur aux États-Unis, mes fans ont vite adopté le nom. Soit dit en passant, j’ai pris le soin d’écrire le mot Fléo ainsi par souci phonétique pour faciliter sa prononciation à l’égard de la clientèle francophone ou anglophone.
Comment a débuté votre carrière jusqu’à que vous devenez le leader du groupe ?
Pour vous dire franchement, depuis mon jeune âge, je suis connecté à la musique. Mon premier album PAS D’EXPÉRIENCE, je le dois au réalisateur Joël Ferron. Quand il a pris connaissance de mon démo, il s’est chargé de la réalisation de l’album.
Grâce à votre premier album PAS D’EXPÉRIENCE, un titre accrocheur il faut le dire ; vous avez rejoint beaucoup de sympathisants avec les pièces : COULEUR CAFÉ et WONGOLO. Quelle est l’aventure de ces deux chansons ?
Figurez-vous que j’ai fait la découverte de la chanson COULEUR CAFÉ de Serge Gainsbourg par un pur hasard. Cela a été un coup de foudre. Je me suis dit si Gainsbourg, un français fait l’éloge de la couleur du café. À défaut cette création, je pourrais l’interpréter et ainsi transmettre la joie des noirs. Ce qui a mis encore du piquant à mon choix, c’est qu’au même moment en 1999, la chanteuse Isabelle Boulai avait également interprété la chanson pour souligner le 10ème anniversaire de la mort de Gainsbourg. J’ai vu sa prestation à TV 5 en Europe. Il me semble que cela a été un flirt. Quant à moi, j’ai épousé cette chanson et elle est devenue une pièce fétiche pour moi. La chanson Wongolo pour sa part, provient du folklore haïtien qui me rappelle mon origine.
Le lancement de votre tout récent album : COULEUR CRÉOLE s’est produit au mois de mai 2005. Que signifie pour vous cette nouvelle réalisation ?
C’est un album essentiellement de son urbain. Avec des clics à la manière Hip Pop. Je sentais le besoin de réunir les générations à travers la musique. Une musique antillaise qui permet aux jeunes néo-québécois qui sont perdus d’avoir une écoute spéciale envers leur culture. Et aux québécois de souche de savourer le son antillais sans se perdre. Croyez-moi ou non, j’ai inversé les rôles. La plage numéro 1 est interprétée sans accent par une jeune québécoise très intégrée dans la communauté du nom de Pénélope Gaudreault. Pour moi, c’est en quelque sorte une démarche éducative. Et ce n’est pas fini. Ce CD vise plus le marché créolophone. Je compte ajouter le prochainement un album pour en faire un double qui sera véritablement commercial et qui s’adressera à un clientèle plus vaste.
Vous avez une pièce qui a fait beaucoup jaser. Il s’agit MÉDIKAMAN. Cette chanson se veut une prescription musicale. Certaines personnes sont allées très loin en se demandant si un chanteur peut se prendre pour un pharmacien ? Que répondez vous à cette question ?
Cette chanson me concerne intimement avant tout. Il est question de ma passion pour la musique, de cette piqûre que j’identifie d’ailleurs comme une prescription que je m’en administre quotidiennement.
Quel sorte d’artiste êtes-vous ?
Je suis ce que la culture d’ici est, multiculturelle. Ceux qui ont la possibilité de s’intégrer y découvrent une grande richesse. Personnellement, j’essaie de m’adapter en tout temps et en tout lieu.
Quelle est la recette du succès d’un album selon vous ?
Tout ce que je sais, c’est que je compose par émotion. J’ajouterai que si la musique a une âme, c’est elle qui nous choisi. Il s’agit de transmettre cette émotion. Moi, je crois au charisme de l’artiste. Par contre, il existe des paroliers pour composer des chansons à succès. Ensuite, il faut tenir compte de l’organisation qui entoure la promotion du produit pour pouvoir le rentabiliser.
Pourquoi pensez-vous que la musique compas n’arrive pas à percer le marché international ?
C’est une question de préjuger vis-à-vis de cette catégorie de musique. Dès qu’il s’agit de compas, les gens se mettent en tête de s’amuser, danser sans réellement tenir compte de la performance des musiciens.
Seriez-vous prêt à confirmer la rumeur stipulant que le chanteur Wiclef Jean serait votre cousin ?
Je dois préciser que nous avons des liens par alliance. Et comme nous nous entendons très bien, on s’appelle cousin.
Vous chantez la joie, la tristesse, les malheurs du monde. Avez-vous une cause qui vous tient à cœur ?
Certainement, Ma cause à moi est de reconnaître la valeur des jeunes en général et des noirs en particulier. Pourquoi pensez-vous que beaucoup de jeunes se tournent vers des modèles américains ! Parce qu’ils n’ont pas de véritable image de noir. A part l’instruction, il leur faut une structure culturelle propre à eux. La plus part sont abandonnés à eux-mêmes. D’ailleurs certains parents haïtiens sont tellement obsédés par la politique haïtienne qu’ils se préoccupent peu des soucis de leurs enfants.
Êtes-vous un chanteur engagé ?
Pour avoir fait la connaissance de Chavanne Clerveaux, je suis quelque peu influencé. En définitif, je suis résolument un chanteur libéré qui n’a pas de limite, encore moins des frontières.
L’assermentation de Michaëlle Jean est pour bientôt. Avez-vous une opinion quelconque sur les nombreuses réactions que sa nomination suscite ?
L’affaire Michaëlle Jean tient de la volonté divine et le premier Ministre, Paul Martin est un instrument. C’est comme une porte qui s’ouvre soudain et que toute communauté noire voit pénétrer une lumière.
Quel est votre niveau de croyance ? Que pensez-vous de la méchanceté humaine ?
Je ne veux m’imposer aucune doctrine. J’ai foi en un Artiste que tout le monde aurait aimé ressembler. Mon point de vue est très nuancé au sujet du bien et du mal. C’est comme une meute de lions. Les petits s’énervent tout le temps ; jusqu’à`ce que le grand décide de s’en mêler.
Vous avez eu l’attention des grands médias comme TVA, Radio Canada, Radio Québec, est-ce parce que vous avez adopté le Reggae, le Hip Hop, le Rap, le Pop francophone ?
Ce genre de visibilité n’est pas facile pour un chanteur local. Je l’avoue. J’ai du m’adapter non seulement au besoin des jeunes de la communauté boire en tenant compte du reste de la population.
Et la rencontre s’est terminée sur une note réciproque de remerciement d’usage.