Mise à jour le Février 2022
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Mardi 19 mars 2024 04:28 (Paris)

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LA RACE DES GRANDS POETES (3 poèmes par Saint-John Kauss)

Personne, avant Homère, n’a pu écrire une œuvre aussi magistrale, historique et poétique que sont L’ILIADE et L’ODYSSÉE. Nul, avant Dante, n’a su regarder dans les profondeurs de l’âme humaine l’immense architecture que représente le Paradis ou l’Enfer. D’aucuns diraient de Hugo qu’il est un ange ou un monstre géant que rien n’égale quand on se met à la lecture ou à la relecture de LA LÉGENDE DES SIÈCLES, véritable fresque apocalyptique et surhumaine. Qui d’autres que Baudelaire, ce poète aux vers élégants, admirables et profonds, serait, durant toute une vie, incapable de surmonter ses peines et ses malheurs, ravagé par les « Fleurs du Mal » aussi bien que par cet appel obsessionnel de la Mort qui lui tend les bras. Ici, nous n’avons pas affaire à l’écrivain normal et naturel qui tend à s’accorder avec la vie par le truchement ou grâce à l’aide providentielle de l’écriture. Tout au contraire, celui-ci aura lancé le défi, le pari de louer et d’abuser des « Paradis Artificiels ». Cette effroyable annonce publicitaire aura sonné comme un manifeste le glas de la vie des poètes à l’état pur, hormis ceux qui mal y pensaient et agissaient déjà comme Apulée, Villon et consorts. Au delà de cette horrible métamorphose que sous-entendait le poète Baudelaire, le décalage dans la qualité des désirs, dans l’élan propre de vivre chez plusieurs écrivains, bannirait la pureté de l’âme et des gestes pour se substituer à l’anathème et à la dépravation des réflexions vitales. Plusieurs poètes ont payé de leur vie cette mésinterprétation de l’appel Baudelairien, et on y compte par dizaines, depuis près d’un siècle, les adeptes tombés sur le champ des mots de la littérature, soit par compassion, où par excès de zèle et de maux à l’emporte-pièce.


SOUFFLE

à Jean Martial Fertil

« Ami venu du songe où souffrent les poètes. » (Charles Le Quintrec)

car il savait tout de ma terre
de ces vols d’oiseaux à l’horizon
de ces rappels au fond droit de l’illusion
des abandons et de ces petites filles qui ne savaient pas encore
sourire
de ces mendiants et de ces prêtres de savane
du poète instantané au muguet des hommes égorgés

il savait tout de la reine moirée de l’eau et de la mer
femme d’Agoué le Tsunami
vorace de l’homme sans ses pardons au quotidien
pourtant il mesure un bond de la terre torturée
notre terre rongeuse des souvenirs
des fois vilaine orque moussue dans des rumeurs sans fin
il l’aimait et il savait tout de ces amis invisibles
qui nous gouvernent au pas des cimetières
il savait les loas des grands chemins
des grandes profondeurs pour la suprême interpellation
les génies et les planètes apprivoisés
les invocations défendues comme les mystères de notre âme
à hauteur des aisselles

il faisait appel à Simbi dans les deux eaux
à Legba pour une nouvelle ouverture
à Danthor pour le plongeon mortel
à Damballah au fond de son exil discret
et il savait tout des hauts lieux de pierres sacrées
d’où les vents ébranlent les voiles de l’ombre
d’où les cicatrices trahissent le deuil d’Égée
et il a cherché parmi mes astres tous mes désastres

ami venu des transes dans toute la splendeur du mensonge
fosse alerte des anges consolateurs de l’infidèle
malgré le bonheur découragé de mon peuple
malgré le sourire venu du songe
triste comme une barque à la dérive
malgré l’annonce faite à la foule
d’une miraculeuse révolution
il a cherché parmi les astres la légèreté des fardeaux
les mots inimaginables pour chacun des hommes
le sourire tracassé pour les prochaines victimes
le décompte des doigts et de mes deux solitudes

Ô ami venu du songe où chantent les poètes
tranquilles dans leurs bienfaits d’écrire des poèmes
et où pleurent Coltrane Davis et Charlie Parker
dans leurs blessures bénies de la folie
il savait tout de ma terre déréglée
de ses divinités accessibles aux initiés de la gloire des rois
émerveillé des dieux trop voilés
loin de nos gestes mendicitaires
et il savait repousser les frontières
regarder dans l’au-delà et prévoir la construction des tombeaux

il savait dans la nuit affronter l’ensorcellement des maux
dire d’humbles choses comme les poètes
mangeurs de feu et d’eau de vie
jusqu’aux racines de l’enchantement
il savait les mots de passe et la levée des cimetières
Ô crânes scalpés d’indiens connaisseurs
il faisait appel à vos mains jointes dans le brouillard
des savanes
il savait passer le mot aux totems affranchis
enjamber les passes d’eau
et décoder l’alphabet des Anciens
Ô figures de proue d’Amérindiens protecteurs
il savait tout de vos tranquilles assassins

il savait lire d’humbles poèmes comme les poètes
écouter le chant des ruisseaux
regarder vieillir le grand mapou
raconter l’histoire des vieilles maisons d’abandon
parler aux fées avec grâce
découvrir toute la géographie de l’île
épeler les passes d’eau dans un rituel d’acajou

Ô ami connu des transes où ne souffrent plus les poètes
Ô découvreur d’âmes et d’amis sincères
il savait tout de ma terre vertigineuse
Ô tendre terre rieuse de son destin
et il savait jusqu’aux racines de nos phalanges
montrer du doigt la grande route
où chacun des signes de nos mains
rend grâce aux bons jours prolongés
il savait comme ELLE la grande déesse
tenir l’épaule de mon bras droit
vers les carrefours et la forge au cœur

il savait tout des vœux à exaucer
hautes carrefours des matins impubères
jusqu’aux vallons des lendemains de gaieté
demandes agréées des dieux adorés
et il savait tout de l’égarement des hommes
comme de l’inflexible destin des vivants
Ô ami venu des songes aux grâces souveraines

je le convoque
de la naissance jusqu’aux seins
de sa mère rieuse comme une jeune fille
en fleurs
long murmure au goût d’un long poème
d’une éternelle nuit aux archipels des îles
car il savait tout des jours de pluie
des chartes et des gestes du souvenir
d’avant les urnes et d’après la délivrance

long murmure (dis-je) Ô ami des solitudes
port-au-princiennes du désarroi et de l’immobilité des hommes
de mes dix doigts bagués / engloutis dans le poème

long séjour de haute clameur et de brave fidélité
dans la nudité des îles aveugles
jusqu’à l’écroulement prochain de la nuit
refusée et barbare
Ô île d’eau forte / morte
dans la paix des innocents

il savait tout de la magie magnifique
et du sourire toujours présent de l’homme des cantons
de l’enveloppe maternelle de la mer
ce théâtre de mon éternelle enfance
il savait l’immensité formelle des âmes
les cinq corps d’avant la fermeture des cimetières
les peines et la mousse des crépuscules interdits
le prolongement des âges bouleversés
les rumeurs inconsidérables de l’ignorance des vivants

mais il ne savait rien de ses mains mouillées
des hautes feuilles
du choix de son innocence pour les hautes missions
il ne savait rien du vide et de sa propre mort
de sa prochaine disparition dans les montagnes de la Selle
de sa double éloquence et de ses pas perdus
il ne savait rien de ce sommeil qui protège
au seuil de son ombre
il ne savait rien de la mer inconquise
la belle dénommée

Parc Luigi Pirandello, Saint-Léonard (Montréal), été 2003.

Saint-John Kauss


CE QUE LA NUIT DIT AU MATIN

à Marie Flore

« Sous les mots, au-delà du silence, nous nous cherchons. Par le sang, par le songe, par le corps et par l’esprit, Amants désarmés nous nous méfions »

(Georges Emmanuel Clancier)

je dis Femme que voici
porte en elle toute la magnificence de l’amour tu
je dis qu’elle est la joie de l’amitié /le murmure de l’aveugle né
pour un premier baiser sous l’étale des grands vents

je dis cette femme qui ouvre grand son cœur au poète et aux mots
qu’elle est le commencement et la fin des épisodes sans faim
je dis qu’elle est l’amie l’ensorceleuse que j’aime pétrir dans mes
nuits

la dernière mais la solitaire qui rend justice à l’amour
je dis Femme que voici est ma fierté au-delà de chaque cœur
elle est ma raison d’aimer pour aimer
ma passion et ma douleur mon plaisir
de compagnon des mots et de la chair

je parle d’une femme délivrée des contraintes du pollen
une fleur à taille humaine
femme du sang et des sens

que je salue de mon plus petit doigt
vorace et carnassière de ma chair
mordue au large des villes du désir
ma figurine

tu as toujours voulu partager le pain de l’amitié
le sang de ton innocence illimitée dans la douleur
tu m’as offert un lit plus grand que la folie des hommes
un toit plus rassurant que la défaite d’un condamné

mais n’entre plus dans ma solitude infidèle
quand je dois oublier mes tourments plus vastes
que l’écho de la rumeur d’un cimetière abandonné

et sois polie avec les mots égarés à mes lèvres
avec les plis de mon corps rassasié de plaisirs
plaisirs d’en haut plaisirs d’en bas que je ne veux pas oublier
ni cette promesse en moi fermée aux yeux de l’enfance

je dis cette femme que j’ausculte dans sa fièvre
dans sa chair torturée sans un cri réel
sinon cette offre à l’amour d’accueil et au plaisir d’hiver

le lait de ses yeux où se dresse le soleil
où chaque plainte de femme amoureuse annonce
la joie annonce la fin d’un épisode

je parle de cette femme qui a tous les mérites
sinon l’honneur d’être partisan de l’homme
et de ses mots à l’appétit féroce

de l’homme et de ses mots qui étonnent le cœur et le panorama
des fleurs
la foule et les plus pauvres
le débauché et ses femmes à genoux
le clan des amis sincères et l’aveugle au-delà de sa blessure

ne répète plus ma condamnée
que les mots te sont interdits
que mes mots sont une larme entre deux rives
que mes mots font rougir l’épousée
que mes mots ont le parfum total de la fraternité humaine

ce que je veux que tu gardes dans ton cœur
c’est le battement de tout un peuple
notre peuple démesuré où il y a lieu de raconter
sa longue marche à la liberté définitive

ses révolutions qui font et défont les orties
son alphabet et sa syntaxe qui réchauffent les cœurs
ses vieux poètes et toutes ses vierges folles après la pluie
ses vieux marins et ses camps de militaires sans reproches
ses vigoureux nègres et ses ivrognes insupportables à l’office
ses historiens ses ethnologues aux yeux des fables dénaturées
ses essayistes ses romanciers qui aident à reconquérir la vie
à chaque appel d’homme éclairé du lieu de sa naissance

ce que je veux que tu gardes davantage dans ton cœur
c’est mon passage à l’horizon de tes lèvres
c’est mon degré d’amant sauvage et lacunaire
ce sont mes mains qui connaissent bien l’aura de ta peau
le midi et la transparence de ta venue sur terre

pourrais-je (moi) oublier la pratique à tes cantiques
d’enfant adaptée aux empreintes de l’amour
à chaque minute qui a froid
à chaque paupière ouverte sur le temps
à chaque souvenir répété dans mon calendrier de poète

sois davantage douce à chaque matin passé entre tes jambes
à chaque mouvement de serpent maladroit dans sa vieillesse
à chaque pas d’un enfant maltraité à l’échelle animale
à chaque sourire d’une femme désolée que j’aimais
dans ma déchéance ma solitude
mon point de ralliement
ma dérision

purifie-moi avec l’hysope Ô ma haute retraite
ma bien-aimante que j’ai gagné à la loterie des cœurs
délivre-moi de cette douleur de t’aimer
à chaque pas d’un écolier
à chaque offrande de la femme au mendiant
à chaque geste de l’enfant aux indigents

mais ne me répète point
ô ma contrariée
que mes yeux invaincus te soulèvent au contact de l’orchidée
que mes caresses multipliées boivent ton ombre
que le bout de tes seins mendie le pain et le fruit défendu
qu’un refus de toi est synonyme de désirs
ô ma sacrifiée

toi qui m’éternises dans l’exaltation des délires
dans la nuit votive des gestes sans fin
dans l’accomplissement de tout ce qui est de l’homme
aimé dans ses frissons et ses métamorphoses
toi qui me permets de dissuader le temps bonifié
sans la primauté des fleurs et des chimères

en toi je vois la ville et les ruelles en couleurs
la fonte des neiges écarquillées aux yeux des hommes
pour toi je gagne le large et ses indifférences
malgré l’écho sur ta route et ta nudité qui trahit
la camaraderie des saisons aux bocages des tyrans

entends ce que la nuit dit au matin
que j’écoute le vent et ses réponses à n’en plus finir
que ma timidité d’homme de cœur fait honneur à la nuit
que je me lie si bien au matin où les corps font place à la ruée des
rêves

d’avoir goûté le sel de ton sang et de tes sens
touché tes os ta peau ta marée basse
d’avoir été si cruel dans mes gestes et si doux dans mes veillées
nocturnes
senti ta sueur et le lait de tes joues
d’avoir interrompu notre marche à l’amour
répété l’algèbre et tous ses chiffres qui lient les hommes

je me plie à ton cœur qui bat au dernier mot des vivants
je te dessine pour oublier la femme de ta première ressemblance
pour toi l’éternelle vivante l’enfant de la joie

dois-je partager toutes les fractions de ton cœur
ta beauté et tes lointains calvaires
ton cheminement vers les premiers matins de ma vie
tes convoitises de la fable et de l’homme
ta découverte dans la passoire de mes derniers baisers
ta virulence de femme fatale qui fait peur

vraiment peur
à cet amour que nul n’aura
vécu

Montréal (Saint-Léonard),

Trois jours précédant la fin du mois de juin

de l’an deux- mille quatre

Saint-John Kauss.


POEME DU GRAND NORD

à Emmanuel

« Il n’est au monde qu’une seule aventure : la marche vers soi-même, en direction du dedans, où l’espace et le temps et les actes perdent toute leur importance. »

(Henry Miller)

expulser la femme qui est en nous
qui nous oblige à transgresser / à s’élever comme l’encens
comme le sel des marées basses aux pieds nus infiniment petits

isoler l’amour et la femme dans ses quartiers de haute mésaventure
adjugés pour les dimanches de grande patience
jusqu’au jaillissement de la dernière goutte d’homme à chevaucher le
long des rives sans amarres
jusqu’à l’accomplissement de mes désespérances sans succès

ce sont des mots que je voudrais entendre dire des mots de tous les
continents à épeler doucement par la bouche et la salive des hommes
des mots qu’on ne prononce que le matin d’anniversaire
des mots de jeunes filles adoucis dans les lèvres
des mots enfermés dans l’abondance des récoltes
des mots aux rêves les plus anciens
des mots provoqués par la permanence des fleurs et des ilotes
des mots à la mesure des empreintes et des tendresses
des mots pour que je me souvienne sans chercher
des mots de ville de filles élancées de la moisson à venir
des mots pour ainsi dire que je répèterai les mains ouvertes

ce sont des mots que j’aimerais aussi apprendre à dire
Des mots de l’omoplate fatigué de ta joie
des mots aussi rares que le soleil après la neige
des mots graciés avant même la sentence
des mots que l’on se dit à vingt ans
des mots de haute cheminée au-delà de tes yeux
des mots d’un enfant orphelin égaré dans le deuil
des mots qu’on ne prononce qu’à la première douleur
qu’à chaque battement de cœur d’un ultime honneur

soit la migration des monarques et ses sujettes à plein la vue /
la lune qui prolonge les amours / les mots au festival des tulipes
ce sont des mots qui nous forcent à écrire dans la passoire des
syllabes et des voyelles entremetteuses jusqu’à la déraison

ce sont des mots si fragiles au large de nos bras
des mots à chaque étape de mon adolescence
des mots de cœur qui m’apportaient source de l’amitié
ces mots ce sont les mots à chaque fois que tu es belle
ma femme toujours plus belle à chaque grossesse rapide

voilà il n’y a que nos mots dans les îles qui ont fait naufrage aux
souvenances de ce que nous sommes / primates mal rangés
contre leur gré qui n’ont pas eu la chance de se moquer des fleurs
et des coquelicots sur les plages

devrais-je choisir le mythe de l’horreur / le désarroi de l’arc-en-ciel
/ la tiédeur de nos tendresses à partager au rythme des scarabées

des mots toujours des mots à ne pas dire dans ce pays où se
surveillent les fantômes / où veillent les poètes de province dans
tout leur mécontentement
des mots que l’on se dit à vingt et un ans
des mots usés sur ta joue noire
des mots captifs de la main d’un enfant
des mots noyés à chaque fois que tu t’interroges sur le pavot de ma
conscience
des mots indéchiffrables à peine débarqués des limons
des mots de privation sans appartenance aux neuvaines et aux prières
de misaine
des mots sans carte de navigation pour aller en haute mer
des mots qu’on ne prononce que le dimanche de carnaval et dans les îles

et voilà que j’aimerais fixer l’eau de ton exil éclaté comme un
naufragé
au fond du golfe de ses pénitences
afin de regarder les fleurs sur la route d’où je suis né
villages sans racine et villes sans histoires depuis le temps de la
quête inachevée des crucifiés et salamandres de première main

mais regarde avec élégance cette douleur désamorcée ce gémissement de
ma géographie
cette nomenclature de circonstance laissée derrière toi
et tous ces mots évanouis dans la mêlée comme l’iguane désordonnée

regarde ce qui fait la différence entre mes conquêtes et les
conséquences à ma liberté
regarde les mots
ces mots de femmes de première vigile
mots d’enfants effrayés et qui ont faim
mots de putes à rabais et sans joie
les mots de tous les jours de ma jeunesse dans les rues
ces mots qui ne reviennent guère aux fêtes de l’enfance

ce livre ouvert sur la table parmi les bègues et les obèses du collège
qui m’ont fait croire que la femme est une brisure de mon côté gauche

à surveiller dans mes poèmes et mes voyelles à boire jusqu’à la
rédemption de mes trente ans

regarde au loin cet enfant de premier chant qui n’a pas encore menti
ni partagé la grande route des folles peines

regarde ses yeux et son sourire à moitié lu parmi la foule des
aveugles qui quelque part nomment les poètes

c’est que j’aimerais apprendre à lire les mots de l’amitié qui fait
l’éloge des anémones et des muguets
à désirer la page illisible mais qui dit les mots de ma désespérance
le cheminement de mes absences prolongées
la joie de mes désillusions formulée sans même y croire

à toi la diseuse de la bonne aventure de vivre ivre parmi les hommes
et parmi ceux de la mauvaise saison
ceux qui couchent dans leurs saletés
parmi les hommes et les musées friands des femmes amoureuses
de brutes et de tulipes

passe ton chemin et remplis les vers de la mémoire
voyante improbable que je griffonne dans mon sommeil
fille d’Athènes que j’ai perdue en chemin
dans le frimas de ma patience démesurée
dans la ville

c’est qu’il me faut apprendre à dire des beaux poèmes
que l’on entend qu’une fois aux pêches de l’amour
au fond du jour et près d’une main de femme
que boulange le désir

ô crieurs de journaux du samedi
vous qui faites passer les mots du quotidien
qui chancelez vers moi abandonné dans les pages
vous qui n’existez que dans l’asphalte des rues
qui dites les blessures de ce pays d’agonies
qui faites la louange du bonheur et de l’amour
des hommes pour cette terre d’entretués jusqu’au massif du monde
vous crieurs de journaux du dimanche
et que j’accueille sans réticence dans ma défiance
dans ma douleur
ma clameur

pourrais-je encore avec des mots du clochard
essayer d’apprendre à dire des poèmes
dans la morosité de la nuit jongleuse de mon enfance
à dire la louange et la feuillée des mots
qu’il ne faut guère retenir
ces mots de la fraternité en marche
ces mots que l’on ne se dit qu’à vingt ans
ces mots que l’on écrit sans virgule
sur la paume de la main d’une femme passagère
sous la poussière du vieil âge

Montréal (Saint- Léonard)

Parc Luigi Pirandello

15 avril 2005

Saint-John Kauss.





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