Mise à jour le 26 septembre
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Mardi 08 octobre 2024 14:20 (Paris)

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La métaphysique du poème chez Magloire Saint-Aude

par Saint John Kauss

Une récente relecture des célèbres poèmes de Magloire Saint-Aude nous force aujourd’hui à conclure que celui-ci pratiquait, sinon avait un certain goût pour l’Art Royal. Déjà les titres de ses trois recueils de poésie, soit Dialogue de mes lampes (1941), Tabou (1941), Déchu (1956), nous portent, à la mesure de l’inconscient, à penser aux tabous et aux secrets du « Grand Art » que seuls les initiés et les adeptes semblent pénétrer, degré après degré, afin d’aboutir à la lumière qui est la base et le principe même de tout mouvement sur terre. Mais pourquoi dialoguer avec ses « lampes », n’était-ce pour le besoin de les relier entre elles ou pour obtenir plus d’informations de l’au-delà ? Toutes ces « lampes » de Magloire Saint-Aude, avaient-elles en commun la lumière (astrale ou magnétique) qui est source de vie, « substance première, réelle et vivante, ayant en elle-même le principe de son mouvement » ?

A la lecture du premier poème intitulé “Vide” de Dialogue de mes lampes, on retrouve curieusement, comme un leitmotiv, le mot « lampes » qui a ici toute sa signification :

« De mon émoi aux phrases,
Mon mouchoir pour mes lampes. »

« Monter une lampe », en langue créole et pour l’haïtien, possède un triple sens, à savoir dans le but d’honorer et de prier les dieux du panthéon vaudou, de faire une demande à un « esprit » quelconque, de guérir ou frapper à distance un méchant homme. Encore le chiffre « trois », symbole impair de la Trinité, ternaire tant redouté par les démons de toute la milice infernale, fait surface et nous donne des pistes importantes de réflexion sur la question : Magloire Saint-Aude, était-il Kabbaliste ?

« Triples fleurs aux vers mendieurs,
Je marche sur le son comme l’impair. »
(Tabou, IX)

De même qu’il n’y a qu’un poète pour les onze poèmes du livre de Magloire Saint-Aude (Dialogue de mes lampes), il n’y a ainsi qu’une seule démarche poétique dans un mouvement de retrait par rapport à la réalité. L’endroit et l’envers du poète ne forment qu’une entité, qu’une unité absolue qui peut se fractionner et se multiplier dans un mouvement de combinaisons mathématiques de la pensée afin d’aboutir à :

« Limité aux revers sans repos,
Edith Blanche ma face moi-même. »
(Vide, p. 13)

« L’ombre pour mon ombre, mon dos. »
(Poison, p. 16)

Dans le poème « Larme », le nombre « cinq » figure dès les premières strophes :

« Sans dieu livide fragile le cœur,
tranquille souple veilleur en cinq langues. »
(Larme, p. 14)

Le chiffre « cinq » est mystiquement l’expression du pentagramme, lequel exprime la domination de l’esprit sur les éléments (air, feu, eau et terre). Armé de ce signe, c’est-à-dire le pentagramme, on peut voir, affirment les Mages et les Sages, « l’infini, à travers cette faculté qui est comme l’œil de l’âme ». Soit « veilleur en cinq langues », comme s’est autoproclamé le poète Saint-Aude.

« Aux miroirs du mage
...Je suis ici pour cinq »
(Tabou, I)

On ne peut ainsi que comprendre : Magloire Saint-Aude, à un moment de sa vie, s’était fait initié...

« Purifié, bas, sur ma clé. »

...en rencontrant, peut-être, l’ange de l’Épiphanie sur le chemin de la lumière et de la purification :

« Au dormeur de face sans visage,
Glacé néant par les fenêtres
Et seul sur ma gorge.
Cendres de peau aveugle en éternité. »
(Larme, p. 14)

Le nombre « neuf » qui exprime forcément la superstition et l’idolâtrie (Hermès en a fait le chiffre de l’initiation), ainsi que le nombre “sept” qui représente le septénaire sacré (les sept jours de la semaine, les sept planètes magiques, les sept grands archanges, les sept sacrements, les sept péchés capitaux), ont également été poétisés par l’auteur :

« Le tuf aux dents aux chances aux chocs auburn
Sur neuf villes. »
(Silence, p. 15)

« Sept fois mon col,
Dix-sept fois le collier. »
(Phrases, p. 19)

Son côté gauche, son ombre (ou son double astral), et son grimoire (recueil de rituels magiques) doivent nous rappeler et nous attacher au cérémonial des initiés ainsi qu’au fil conducteur plongé dans les métempsycoses de la magie.

« Pour mon dos gauche »
« L’ombre pour mon ombre, mon dos. »
(Poison, p. 16)

« Me pèsent, en ce monde, mon grimoire
Et aussi mes cils vieux. »
(Tabou, I)

Enfin, est-ce ici à l’échelle que Jacob vit en songe le poète fit allusion, ou voulait-il, par analogie à Dieu, que ses influences poétiques « descendent » et se communiquent à tous les poètes d’Haïti ? Son « cube », serait-ce la pierre philosophale tant recherchée par les anciens philosophes hermétiques pour son pouvoir magique ?

« Mes doigts en échelle de pluie de lin,
Plein de moi et crochu dans mon cube. »

« Je glisse, je descends, je m’enlise
Dans la laine de mon coma
Bon comme le lait de la sieste. »
(Paix, p. 22)

Pari tenu, pari gagné, semble-t-il, par Magloire Saint-Aude...poète et veilleur toujours en cinq langues dont le langage prophétique, l’accent bègue et l’écriture automatique nous rappellent les sublimes versets de Nostradamus, le mage.

RÉFÉRENCES

Magloire Saint-Aude : Dialogue de mes lampes suivi de Tabou et de Déchu, éd. Première Personne, Paris, 1970.

Lenain : La science cabalistique, éd. Traditionnelles, Paris, 1978.

Eliphas Lévi : Cours de philosophie occulte, éd. Sélect, Montréal, 1982.

Eliphas Lévi : Dogme et rituel de la haute magie, éd. Bussière, Paris, 1982.

Vlaicu Ionescu : Nostradamus, éd. du Félin, Paris, 1987.

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