Ainsi a été constitué la zone dite d’abord "des cinquante pas du Roi", puis "des cinquante pas géométriques", que la puissance publique a, depuis cette époque, revendiquée comme un élément de son patrimoine.
Or, dans ces îles où, en raison de l’exiguïté et du relief, la terre est un bien rare, ce vaste domaine n’a cessé d’attirer les convoitises et a été, depuis longtemps, considéré comme accessible à tous.
Après la grave crise qui a frappé l’économie locale, il y a environ cinquante ans, et a été à l’origine de nombreuses migrations vers la métropole, des déplacements importants de population ont été enregistrés des régions de l’intérieur vers les centres urbains situés dans la zone. Ainsi, on estimait, au début des années 1990, à 120 000 personnes environ, soit le huitième de la population globale de la Guadeloupe et de la Martinique, le nombre de ceux qui y résidaient et qui, pour la plupart, étaient des occupants sans titre ;
En raison des problèmes sociaux et des difficultés économiques qu’une telle situation engendrait, au fil du temps, il apparaissait urgent de reconsidérer la gestion de la réserve domaniale, qui concentre la plus grande partie des atouts, essentiellement touristiques et portuaires, du dévellopement économique de ces îles.
Mais, ne fallait-il pas, en raison, précisemment, de ces enjeux, envisager autre chose qu’une réforme d’une gestion, jugée par beaucoup défaillante ?
Ne devait-on pas, tout en confiant à la puissance publique, la sauvegarde des espaces naturels, permettre que les occupants de la zone et, en priorité, les plus modestes d’entre eux, non seulement y habitent dans des logements décents, mais aussi en deviennent propriétaires ?
Au regard de la politique jusque-là menée, qui alternait, paradoxalement, rigueur et frilosité, un changement de perspective ne s’imposait-il pas ?
Ne convenait-il pas, plus de cinquante ans après l’instauration de la départementalisation, de réexaminer le statut de la zone, dont la création est contemporaine de celle du Code noir ? N’était-elle pas, de ce fait, dénoncée par de nombreux Antillais comme la séquelle du système colonial, dont la départementalisation aurait dû légitimement enregistrer la disparition ?
Extrait du prologue de "l’Enracinement Créole" de Guy Rosier.
(www.editions-harmattan.fr)
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