Vous êtes déjà au courant, sans doute, de la dégradation de plus en plus accélérée de la situation économique, sociale, politique , et environnementale de notre pays ; de l’importance mais surtout de l’urgence que représente la crise humanitaire qui nous menace aujourd’hui : la faim, la précarité, l’insécurité sociale qui s’installent durablement chez nous et provoquent le désespoir qui accélère l’émigration massive de nos compatriotes vers d’autres rives.
Dans ce contexte, et, en ce moment exceptionnellement difficile que nous vivons, caractérisé d’ailleurs par le chômage chronique, l’inflation galopante, la faim qui tenaille nos entrailles, l’endeuillement de nos familles, la menace constante planant au quotidien sur notre existences de peuple, votre silence nous étonne fort autant qu´il nous accable. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est certainement la conséquence de vos décisions de doter notre pays d’une pseudo-démocratie à votre convenance. Pensant bien faire sans doute, mais somme toute menée dans le mépris de nos intérêts, de notre culture, de notre quête d’une vie meilleure pour tous nos concitoyens. Nous prétendons ici vous mettre face à votre part de responsabilité dans le malheur de notre pays incarné par votre support indéfectible à un pouvoir malveillant, incompétent et corrompu ; celui que vous nous aviez imposé et dont nous subissons les bêtises. Nous le dénonçons nommément ; il s’agit du président Jovenel Moïse qui fait fi de toutes nos calamités. Évidemment, nous ne sommes pas déçus de ce que vous continuez à supporter le pouvoir en place, coupable de violation de la Constitution, des lois de la République et des droits humains.
Selon des rapports d’enquête de plusieurs organismes de défense des droits humains dont le RNDDH, et confirmé par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) ce pouvoir, vous le savez autant que nous, est accusé d’implication dans des massacres d’Etat qui ont été commis sur la population civile (femmes et enfants compris) à la Saline, à Carrefour-Feuilles, à Tokyo (bas Delmas), et à Cité Soleil. Contrairement à nos traditions ancestrales et à la dignité humaine, les victimes n’ont pas eu droit à des funérailles. Leurs corps ont été livrés à des chiens et porcs errants pour être dévorés en plein jour sous les regards de tous. Point n’est besoin de souligner à votre attention, combien ces crimes abominables nous offusquent et nous révoltent.
De nombreux incendies criminels ont éclatés dans nos marchés publics alors que des bandes armés à la solde du gouvernement terrorisent la population de Port-au-Prince, capitale économique et politique du pays, mais également dans plusieurs régions de l’arrière-pays au point qu’elles les ont transformées en zones de non droit. Les bandits armés opèrent en plein jour sans s’inquiéter. La police nationale est impuissante par rapport à la force de frappe des malfrats et du soutien dont ils jouissent des plus hautes autorités de l’Etat. La police a été affaiblie et rendu incapable de s’acquitter convenablement de sa tâche. Le chaos s’installe dans le décor social haïtien. Le véhicule d’un diplomate chilien a même essuyé des tirs récemment dans la zone de Croix-des-Bouquets.
Pourquoi faites-vous silence sur cette violence qui endeuille le peuple haïtien alors que nombreux sont ceux d´entre vous qui prétendent être amis d’Haïti ? Pourquoi êtes-vous si prompts à défendre un régime qui promeut la criminalité ne se gênant pas à s’afficher, sans complexe, avec des bandits armés sans foi ni lois qui tuent, volent et violent impunément ? Est-ce ça le projet démocratique que vous supportez en Haïti ? Nous osons souligner à votre attention l’action autoritaire du régime que vous supportez, sur l’appareil judiciaire, son acquisition par prébendes des votes de certains membres véreux du parlement, faisant fi de l’indépendance des pouvoirs, véritable clé de voûte de toute démocratie fonctionnelle. Nous les jeunes, véritables avenir de la nation, pourtant sans avenir dans un pays où il n’y a pas de justice sociale et c’est la règle du monopole qui s’applique, notre seul espoir c’est la révolution. C’est d’ailleurs le sens de notre engagement et de notre combat. Ne soyez surtout pas effrayé de nous entendre parler de révolution. Du train que ça va avec le système actuel dont vous supportez les tenants, fort malheureusement, la révolution n’est pas une option, mais une obligation pour nous qui voulons un meilleur avenir pour notre pays et pour nous-mêmes. Cette révolution gronde déjà dans les quartiers difficiles des grandes villes et des milieux ruraux.
Nous admettons que certains États du Core Group ont mis des fonds au service du pays. Cependant, ces fonds n’ont servi ni le pays ni le peuple haïtien dont près de 80% vit quasiment dans l’extrême pauvreté. En fait, ces fonds ont été détournés pour servir les objectifs du régime prédateur qui veut se perpétuer au pouvoir par tous les moyens en imposant au pays la terreur et la peur. Et vous en êtes bien informés par le biais de vos services de renseignements.
De la Floride à l’état de New York,de Boston à Connecticut en passant par New-Jersey, de Atlanta à Chicago jusqu’à Philadelphie, du Brésil au Chili où se sont installés nos compatriotes par centaine de millier, nous savons que ces haïtiens rêvent d’une Haïti digne et florissante, belle, régénérée et prospère. C’est à la construction de cette Haïti que nous travaillons. Il en est de même pour notre diaspora au Canada, en France, aux Bahamas, en République Dominicaine et de part le monde qui s’oppose, néanmoins, à la corruption tolérée en Haïti par une politique incompréhensible, injustifiable, de vos gouvernements qui prétendent forcer au dialogue sans succès. La raison de cet échec s’explique par l’arrogance du président Jovenel Moïse dans cette démarche peu sincère et qui n’inspire pas confiance. Les partis de l’opposition invitées à la table des négociations savent que c’est un dialogue tronqué pour épater la galerie et donc vous-autres les puissants de ce monde. Nous aussi ne croyons pas dans cette entreprise qui consiste en une véritable opération cosmétique conçue pour la consommation de l’opinion publique internationale.
Jovenel Moïse que vous supportez de manière inconditionnelle, ce président impopulaire qui dirige pour sa famille politique et ses amis d’une frange très influente du secteur des affaires regroupé pour la plupart au sein du Forum Économique, est loin d’être l’homme qui puisse créer un climat sûr et stable en vue de mettre le pays sur la voie du progrès et de la paix durable. Il ne peut pas garantir la cohésion nationale dont nous avons besoin pour conduire le pays vers la réconciliation nationale et la relance de notre économie par l’investissement générateur d’emplois massifs pour les couches défavorisées notamment les femmes et la jeunesse. En Haïti le mot dialogue est devenu synonyme de tromperie comme celui de Jovenel est synonyme de mensonge…
Les pires scandales de corruption ont éclaboussé le régime honnis du PHTK que vous avez imposé au pays au travers d’un processus électoral contesté. De nombreuses manifestations populaires (plus de 200) dont certaines avaient réunies plusieurs millions de personnes à travers le pays pour dénoncer la corruption, avec en toile de fonds la dilapidation des 4.2 milliards de dollars américains du programme Petrocaribe. Vous vous êtes toujours montrés indifférents jusque-là par rapport à cette revendication fondamentale du peuple haïtien. A travers le monde, la lutte contre la corruption fait d’importants progrès au point que des chefs d’Etat, des parlementaires et autres hauts fonctionnaires de l’Etat ont été destitués, jugés et incarcérés pour leur implication dans des crimes financiers. Cependant, quand les protestataires ont réclamé la démission du président de la République, votre protégé, en raison de son inexpérience notoire en matière de gestion économique et politique et de son implication dans le gaspillage du fonds Petrocaribe, vous êtes intervenu pour rappeler aux haïtiens que c’est par les élections qu’on prend le pouvoir. Pourtant, à notre grand étonnement, beaucoup d’entre vous dont les États-Unis reconnaissent un président autoproclamé au Venezuela. s’agit-il d’un traitement de deux poids et deux mesures ? Pourquoi ce double standard ? N’est-ce pas un paradoxe ? En ce sens, vous vous faites passer chez nous pour les champions de la démocratie et en même temps, vous nous laissez comprendre qu’Haïti n’aurait pas droit selon vous à se libérer d’un régime prédateur qui cause du tort à tout un pays ?
De plus, n’êtes vous pas au courant que des mercenaires étrangers venus des Etats-Unis se sont introduits dans le pays illégalement avec des armes de guerre, circulant dans des véhicules sans plaques appartenant à des proches du président ? Ils se sont rendus au siège de la Banque Nationale de la République et pourquoi faire ? Ce qui dans n’importe quel pays, notamment chez vous, serait considéré, avec raison, comme un acte terroriste ; pourtant, le gouvernement haïtien s’est arrangé, via son ministre de la justice, pour remettre en liberté sans aucune forme de procès, ces individus arrêtés par la police haïtienne. Aucune explication officielle n’a toujours été fournie sur ce qui s’est passé.
Avec des frontières poreuses où ont lieu toutes sortes de trafic illicite et de contrebande, Haïti est caractérisé aujourd’hui comme une menace pour la sécurité nationale de ses voisins au point que les États-Unis, pays dominant du Core Group, le place sur une liste noire des pays à ne pas visiter. Cette décision affecte considérablement le secteur touristique haïtien, un pan très important de notre économie déjà asphyxiée. Le peuple peut-il continuer à vous considérer comme ses amis ?
Évidemment, là encore, vous vous êtes tus. Et vous n’avez pas raison de vous taire puisque dans le malheur actuel du peuple haïtien, vous avez pactisé avec ses bourreaux et le clan mafieux qui opèrent dans le pays. Sachez que vous allez devoir vous positionner autrement lorsque le peuple haïtien se révoltera pour renverser le système pourri qui lui enlève son droit naturel d’avoir une vie normale, décente et acceptable. Nous espérons que vous continuerez à vous conforter dans votre silence. En fait, il n’est un secret pour personne qu’Haïti est divisée en deux camps distincts : le camp des démocrates et celui des ennemis de l’ordre et du progrès ; les mêmes d’ailleurs que vous avez toujours supportés. Il est tout à fait évident que vous aurez choisi votre camp, celui qui s’oppose à la démocratie, au respect des droits humains et au progrès d’Haïti. Au lieu de vous solidariser avec le peuple haïtien, ne vous rangez-vous pas du côté de ceux qui sont en train d’implémenter un projet antidémocratique et autoritaire en Haïti ?
A ce stade, vous êtes conséquents et cohérents avec le versant de la politique colonialiste de vos gouvernements respectifs. Et cela se comprend. Jamais nous ne vous demanderons de vous déjuger puisque le régime Tèt Kale (qui se décrit lui-même comme celui des bandits légaux) est le fruit de votre -politique archaïque en Haïti- une politique nettement raciste et de mépris de l’haïtien qui consiste évidemment à nous imposer des dirigeants issus d’élections truquées.
Vous avez été les architectes de l’ascension de ce régime au pouvoir. Cela a commencé en Mai 2011 avec Michel Martelly puis Jovenel Moïse qui assure la continuité d’une politique de démolition d’Haïti et du rêve haïtien. Lors des dernières élections frauduleuses organisées dans le pays, vous avez tout mis en œuvre pour que ce soient votre protégé, un novice qui parvienne aux timons des affaires en Haïti pour effectuer son stage présidentiel. Cela est une blessure mortelle pour le pays et pour la démocratie. C’est contraire aux vœux des haïtiens qui trouvent dans le vote, une expression de liberté garantissant le vivre ensemble dans la paix.
Déjà, nous voulons vous prévenir que l’histoire ne se répétera pas cette fois ; d’autant qu’il est claire qu’il n’y aura pas d’élections en Haïti ni cette année ni avec le régime en place, comme vous le souhaitez ; ce qui est regrettable, mais évident. Avec le régime en place, celui que vous supportez au détriment du peuple haïtien dont vous faites fi de la douleur et de la misère, il ne saurait y avoir d’élections pour plusieurs raisons dont la principale consistera à trouver l’argent nécessaire à cette entreprise. Il est à déplorer que des millions de dollars fournis par vous pour l’organisation de précédentes élections aient été détournés par les organisateurs. En général, les résultats ne reflètent pas nécessairement l’expression du vote populaire. En plus de la contestation, cela a provoqué la démobilisation de l’électorat au point que le taux de participation des électeurs aux dernières élections était des plus bas.
Il n’y aura pas d’élections avec l’actuel Conseil Électoral Provisoire (CEP) qui ne jouit ni de légitimité ni de la confiance de la population et dont les membres sont payés pour ne rien faire depuis deux ans. Son mandat est arrivé à terme depuis plus de deux ans. Et ce CEP ne pourra être reconduit pour rien au monde.
Il n’y aura pas d’élections dans le pays tant que ceux qui ont dilapidé les fonds du programme Petrocaribe, soit 4.2 milliards de dollars américains, n’auront pas été jugés. Et avec le régime en place, nous n’avons aucune garantie que le procès aura lieu. Il n’a lancé aucun signal positif en ce sens. Au contraire, il fait tout pour empêcher toute avancée dans le cadre de ce dossier.
Il n’y aura pas d’élections tant que le dossier de corruption dans laquelle la première dame de la République est impliquée n’est pas éclaircie. L’attribution du contrat de Dermalog, firme chargée de fabriquer les cartes électorales, n’a pas respecté les lois sur la passation de marcher, selon ce que révèle la commission anti-corruption du Sénat Haïtien. Nous comprenons mal que vous vous complaisez avec ceux qui violent la loi ! Il n’y aura pas d’élections si les conditions de sécurité ne sont pas réunies. Cela doit passer inévitablement par la création d’un climat sûr et stable dont l’élément fondamental est le désarmement général de tous les gangs armés qui prolifèrent à travers le pays et dont le régime en place se sert pour faire peur à la population et à ses opposants directs.
Enfin, il ’y aura pas d’élections si une certaine communauté internationale s´aviserait d’interférer dans le processus électoral afin d’imposer de dirigeants incapables, incompétents et corrompus. Il doit être clair pour tout monde que les élections sont un élément de la souveraineté nationale et nous n’entendons pas brader cette souveraineté ni la céder à un quelconque tiers. De même, les élections sont un élément de la démocratie, mais pas la démocratie elle-même. Après tout, même les pays où il y a système de parti unique, des élections se tiennent régulièrement. Le dernier acte d’ingérence de bon aloi que vous pourriez poser, serait de nous débarrasser de votre colis explosif en la personne de Jovenel Moïse devenu définitivement trop encombrant et encore trop destructeur pour le pays.
Notre combat ne consiste pas uniquement à renvoyer un régime anti-démocratique, corrompu et incapable de résoudre le moindre problème. Nous œuvrons pour la construction d’un nouveau système où les droits de chaque citoyen est respecté- un système inclusif fondé sur l’état de droit et où les haïtiens sont maîtres de leur destin.
Nous, petrochallengers challengers de Nou Pap Konplis, voulons des élections correctes, transparentes et inclusives. Nous voulons voter pour des dirigeants dignes, responsables et capables de répondre aux défis du présent et du lendemain. Ce que nous voulons, c’est la récupération de notre dignité de peuple et notre droit à l’autodétermination ; la liberté, l’égalité, la fraternité dans l’union qui fait la force.
Nous, jeunes petrochallengers, souhaitons réunifier le pays avec l’aide d’alliés qui comprennent que la nouvelle génération se cherche un avenir heureux ou les sanctions de l´internationale ne soient pas un instrument de destruction pour faire imploser Haïti. Nous vous exhortons à un meilleur traitement de notre peuple.
Nous vous écrivons non pas pour implorer votre pitié, mais pour vous rappeler q’Haïti souhaite être traité avec justice et équité par la communauté internationale que vous représentez. Évidemment, nous sommes ouverts à la coopération qui respecte notre dignité et nous nous opposons fortement à l’assistanat international qui ne répond pas à nos besoins et à nos attentes.
Notre objectif, est de vous faire part de notre sentiment d’exaspération par rapport à votre politique en Haïti-Une politique contre-productive qui a échoué parce qu’elle est arrogante et ne tient pas compte des aspirations des haïtiens. Il est donc temps de changer de paradigmes. Notre exposé est une démarche consistant à attirer votre attention sur la nécessité d’évoluez vers une prise de conscience, une analyse honnête de votre politique qui a des conséquences néfastes pour notre pays.
Nous connaissons nos failles et nos manquements, mais cela ne saurait justifier la mise en œuvre d’aucune politique de mépris à l’égard du vaillant peuple haïtien.
Recevez, mesdames et messieurs du Core Group, toutes nos salutations !
Signatures : Ricardo Fleuridor, Porte-parole Jonathan Renois, Chargé de Communication Evens Ciril, Stratégiste
CC : Organisation des États Américains Organisation des Nations-Unies Délégation de l’Union Européenne