Les juges ont découvert qu’en 2014 pour le même chantier de réhabilitation de route, l’État a signé deux contrats avec deux entreprises aux noms distincts, Agritrans et Betexs, mais qui partagent notamment le même matricule fiscal et le même personnel technique.
« Les deux entreprises ont réalisé distinctement les mêmes ouvrages aux mêmes dates » révèle le rapport de la Cour qui conclut qu’il s’agit « ni plus ni moins qu’un stratagème de détournement de fonds ».
Avant son arrivée au pouvoir en 2017, Jovenel Moïse était à la tête de l’entreprise Agritrans, laquelle a reçu plus de 33 millions de gourdes (plus de 700 000 $ US, au taux de l’époque) pour ce projet routier alors que son activité consistait à de la production bananière.
« L’état de ce tronçon de route suscite des questionnements et démontre qu’il y a un décalage énorme entre les sommes dépensées et la réalité des travaux qui auraient été effectuées » relate le rapport des juges après leur visite de terrain.
Pour ce chantier, l’entreprise de l’actuel président avait par ailleurs reçu une avance de fonds près de deux mois avant la signature du contrat, ce qui fait aujourd’hui dire aux magistrats « qu’il y a eu collusion, favoritisme et détournements de fonds ».
Un autre chantier de réhabilitation routière a été attribué à Agritans en 2015 malgré l’avis défavorable de la Cour des comptes qui avait notamment relevé à l’époque une violation des lois de passation de marché public.
Entre 2008 et 2018, Haïti a bénéficié du programme Petrocaribe, mis en place à l’initiative de l’ancien président vénézuélien Hugo Chavez, qui a permis à plusieurs pays d’Amérique latine et des Caraïbes d’acquérir des produits pétroliers à un prix avantageux.
Toujours perçu comme source de gaspillage et de corruption, ce fonds a déjà donné lieu, en 2016 et 2017, à deux enquêtes sénatoriales. Depuis l’été 2018, le mouvement citoyen « Petrocaribe Challenge » a multiplié les manifestations à travers le pays, poussant la Cour supérieure des comptes à lancer son audit.