La mission technique de l’OEA, venue évaluer les résultats des présidentielles contestées du 28 novembre, a recommandé lundi la mise à l’écart du candidat du pouvoir, Jude Célestin, au profit du chanteur Michel Martelly qui, en cas de confirmation, devrait affronter au second tour la démocrate-chrétienne Mirlande Manigat, arrivée en tête, selon des agences de presse citant des sources diplomatiques.
L’Organisation des États américains, qui n’avait pas encore lundi soir communiqué officiellement ses conclusions au gouvernement haïtien et au Conseil électoral provisoire, aurait relevé dans les procès-verbaux de graves fraudes et irrégularités remettant en cause les résultats préliminaires des élections à l’origine d’une crise politique marquée, début décembre, par des violences post-électorales meurtrières.
Dans une dépêche, l’Associated Press affirme avoir consulté une ébauche du rapport final des experts pour qui, en fonction des résultats validés, Mirlande Manigat et Michel Martelly sont qualifiés pour disputer le second tour.
Un diplomate occidental, habitué aux missions d’évaluation électorale, a confirmé les recommandations figurant dans le document, écrit AP.
Pour sa part, l’AFP dit tenir la même information d’un diplomate de l’ONU à la suite de la rédaction du rapport par dix experts de l’OEA, arrivés à Port-au-Prince fin décembre.
"Il sera très difficile pour le Président René Préval d’ignorer cette recommandation", a fait remarquer la source onusienne qui a requis l’anonymat.
Le chef de l’Etat sortant, qui avait lui-même sollicité l’aide de l’OEA, pourtant déjà très impliquée dans le processus électoral, a fait savoir lundi soir à quelques radios sur lesquelles il a choisi de s’exprimer, que le rapport n’avait pas été encore acheminé à son bureau.
Vivement contestés, les premiers résultats des présidentielles avaient donné Mirlande Manigat en tête avec 31% des voix, devant Jude Célestin (22%) et Michel Martelly (21%).
Accusé d’avoir été le grand bénéficiaire de fraudes électorales massives, M. Célestin a refait surface ces derniers jours et a tenu des rassemblements politiques dimanche dans les quartiers populaires de Delmas 2, Delmas 4 et St-Martin (centre de Port-au-Prince) après avoir visité auparavant Solino et Ti Chéry.
Des sources diplomatiques ont confié à l’AFP que les ambassadeurs des pays amis d’Haïti (Etats-Unis, Brésil, Canada, France...) comptaient appeler M. Préval rapidement après la remise du rapport en vue d’engager des discussions sur ses conclusions.
S’exprimant sur les risques de nouvelles violences post-électorales face à cette nouvelle donne de la conjoncture politique, l’ambassadeur américain à Port-au-Prince, Kenneth Merten, a souhaité que "tout le monde garde la tête froide".
Appelant de ses vœux à la transparence de la suite du processus électoral, le diplomate a fait savoir que le rapport devait être envoyé aux autorités haïtiennes lundi en fin de journée ou mardi.
"La mission de l’OEA a travaillé de manière indépendante et objective et fait des investigations poussées pour aboutir à des résultats qui soient fiables et proches de la réalité" a, pour sa part, assuré l’ambassadeur de France, Didier Le Bret.
"La communauté internationale, en faisant le choix d’une médiation, espère que les recommandations de la mission de l’OEA, quelles qu’elles soient, puissent être suivies", a-t-il encore indiqué.
A Washington, le secrétaire général adjoint de l’OEA, Albert Ramdin, a souhaité que le gouvernement haïtien "prenne la bonne décision" après avoir pris connaissance du rapport.
Mais, a-t-il prévenu, "je crois que personne ne pourra être heureux de ce que dit le rapport" tout en affirmant n’être pas imbu de son contenu.
Le Président René Préval, dont le mandat constitutionnel expire le 7 février, a une fois de plus manifesté lundi son intention de rester au pouvoir, si nécessaire jusqu’au 14 mai, en vue de "boucler" le processus électoral et de céder son fauteuil à un "successeur élu".
Alors que le pays se dirige peut-être vers un nouvel épisode de la crise politique, la visite de la présidente de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des Etats-Unis, la républicaine Ileana Ros-Lehtinen, est attendue mardi.
"Il va sans dire qu’au cours de l’année écoulée les Haïtiens ont été confrontés à un certain nombre de défis, mais il est aussi important d’évaluer la progression du pays durant cette année", a déclaré la congresswoman dans un communiqué.