Une semaine après la prestation de serment du président Joseph Michel Martelly, plusieurs rencontres se sont tenues entre le nouveau président de la République et les présidents des deux Chambres législatives, le député Saurel Jacinthe et le sénateur Jean Rodolphe Joazile. Au cours de ces rencontres, les débats se sont déroulés autour d’un seul nom, l’homme d’affaires bien connu, Gérard Daniel Rouzier. « Tèt Kale », tient mordicus et veut aller très vite en besogne. Moins de deux semaines après son investiture, le président veut passer à un autre stade. Il compte, dans très peu de temps, installer le nouveau cabinet ministériel. D’ailleurs, il a déclaré, le 18 mai, à l’Arcahaie, que son choix sera connu incessamment.
Des tractations en cascade
Cette semaine aura été celle de toutes les tractations. Réunions en cascade, négociations sur tous les fronts, les pourparlers se poursuivaient autour de la désignation du prochain chef du gouvernement. L’homme d’affaires et bon ami du chef de l’Etat a déjà entamé des discussions avec certains groupes de parlementaires en vue de trouver un vote favorable au Parlement.
Au moins trois grandes réunions, d’une durée d’environ cinq heures, se sont tenues à Port-au-Prince cette semaine entre le candidat à la Villa d’accueil, Gérard Daniel Rouzier, et une cinquantaine de parlementaires, toutes tendances confondues. Si le bloc de la minorité à la Chambre basse n’a encore rien exigé, la majorité opte d’entrée de jeu pour un partage des responsabilités au sein du prochain gouvernement.
Le Groupe des parlementaires pour le renouveau (GPR), formé en majeure partie des hommes d’Inite, farouches partisans de René Préval, ne se positionne pas encore officiellement par rapport à ce choix. Toutefois, certaines grandes figures de ce bloc majoritaire à la 49e législature ne se montrent pas catégoriquement opposées à un tel choix. Elles envisagent de contrôler certains ministères clés dont ceux de l’Agriculture, de l’Intérieur et des Collectivités territoriales et, enfin, de la Justice et de la Sécurité publique.
Pour l’instant, le point de dissension semble être la position du camp de l’Inite de vouloir sous sa responsabilité des ministères que le chef, lui-même, définisse comme ses principales priorités. L’Etat de droit, l’éducation, l’emploi et l’environnement sont les quatre axes majeurs de la présidence de Martelly. Ce qui sous-tend que le nouveau chef de l’Etat devrait avoir le contrôle des ministères ayant charge de ces dossiers. On peut déjà se demander si la pomme de discorde ne se trouve pas à ce niveau. La bataille s’annonce donc rude et difficile pour l’inexpérimenté président Martelly qui se prétend comme le prophète du changement.
Daniel Rouzier contesté ?
Dans un secteur comme dans un autre, le choix de Gérard Daniel Rouzier semble ne pas faire l’unanimité, qu’il s’agisse de la structure politique de Martelly, de certaines organisations populaires, proches du nouveau président, et de certains parlementaires. Le choix Rouzier est dont problématique. La division règne entre les deux principaux bureaux de l’équipe de coordination de Joseph Michel Martelly (à Bourdon et à Pacot). De proches du président de la République se seraient prononcés ouvertement contre le choix de monsieur Rouzier, prétextant qu’il n’était pas trop présent durant la campagne électorale.
D’autres hommes forts du camp Martelly croient que le moment requiert un Premier ministre à la fois technique et politique, capable de se montrer à la hauteur des grandes négociations. Ce premier ministre doit également être en mesure de rassembler tous les secteurs de la nation pour un nouveau départ. Certains croient que l’homme d’affaires est plus technique que politique et, conséquemment, n’est pas l’homme du moment.
Selon une source proche de la présidence, Joseph Michel Martelly veut coûte que coûte se tourner vers un chef d’entreprise pour le poste de Premier ministre. Le chef de cabinet du président de la République, Thierry Mayard-Paul, a expliqué que les raisons pour lesquelles M. Martelly a porté ses dévolus sur l’homme d’affaires. « Gérard Daniel Rouzier, en raison de son passé d’entrepreneur accompli, son curriculum vitae, parle pour lui-même ; nous pensons qu’il peut être très efficace à la gestion du gouvernement », a précisé monsieur Mayard-Paul.
Malgré les références et la réussite du chef d’entreprise, la ratification de son choix pourrait se heurter à l’opposition au Parlement. « Nous croyons qu’il y aura un peu de résistance, mais nous pouvons démontrer que c’est le bon choix », a précisé le chef de cabinet de Martelly. Il croit que M. Rouzier est un homme honnête et qui a réussi dans ses entreprises. Il croit dur comme fer que l’homme d’affaires peut assurer une bonne cohésion entre les membres de la nouvelle équipe.
Ce choix sera probablement la première bataille entre le président Martelly et un Parlement où des législateurs (Inite), fidèles pour la plupart à René Préval, jouissent d’une confortable majorité. Les rumeurs sur le choix de Daniel Rouzier avaient déjà provoqué, avant l’heure, des tensions et des réactions négatives de certains parlementaires qui reprochaient à M. Rouzier son manque d’expérience politique.
Selon l’article 158 de la Constitution en vigueur (controversée pour le moment), le Premier ministre désigné doit, pour être ratifié, soumettre ses pièces à une commission de chaque Chambre du Parlement. Dans le cas où il obtient un vote favorable, il devra former son gouvernement de concert avec le président de la République avant de présenter sa politique générale par-devant les législateurs pour un vote de confiance. Le vote a lieu au scrutin public et à la majorité absolue dans chacune des deux Chambres.
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