Interrogés séparément les 26 et 28 février 2010 dans le cadre de l’enquête ouverte sur le dossier par l’Inspection Générale de la Police Nationale d’Haïti (IGPNH), les détenus Jérôme Willy, Olciné Patrick, Eglona Nolet, Pierre Louis Prévoidieu et l’ex-policier Hans Maitre soutiennent que les détenus tués l’ont été lors de l’intervention conjointe de la MINUSTAH et de la police nationale, dont des agents de la DAP.
Les données recueillies par l’IGPNH révèlent que l’inspecteur Sylvestre Larack, chargé de la prison civile des Cayes, a menti aux enquêteurs en rendant le détenu en cavale Luguens Caseau, alias Ti Mousson, responsable de la tuerie. Une autre donnée de l’enquête parait encore assez accablante pour l’inspecteur Sylvestre Larack. Divers témoignages recueillis attestent en effet du fait qu’il a été averti par le détenu Hans Maitre du projet d’évasion conçu par le détenu Luguens Caseau et qu’il n’aurait adopté aucune disposition pour y contrevenir. L’inspecteur a lui-même révélé aux enquêteurs de l’IGPNH avoir été informé du plan d’évasion mais qu’il a été pris de court par les événements.
En conclusion de son rapport en date du 14 avril 2010, l’IGPNH avait recommandé qu’une lettre de blâme soit décernée à l’inspecteur Larack et qu’il soit rétrogradé d’un rang. Une suspension de 30 jours sans solde avait également été recommandée à l’encontre des agents Jean-Baptiste Jean, Lombard Jean Eric et Jeune Pierre Antoine pour manquement grave à leurs devoirs.
Au lendemain des graves événements de la prison civile des Cayes et alors que se déroulait l’enquête y relative de l’IGPNH, l’inspecteur Sylvestre Larack a été promu début mars 2010 à un poste plus élevé à Port-au-Prince, celui de Directeur de la plus importante prison civile du pays, le Pénitencier national. Il y a remplacé l’inspecteur divisionnaire Olmaille Bien-Aimé dont on est sans nouvelle depuis la spectaculaire évasion de quatre mille deux cent quinze (4.215) détenus de cet important centre pénitentiaire, le jour du séisme, le 12 janvier 2010.
A propos de cet événement, le rapport d’enquête en date du 14 avril de l’IGPNH conclut au fait qu’aucun lien de causalité directe n’a pu être établi entre l’évasion et le séisme qui, d’ailleurs, n’avait pas causé de dommages majeurs au niveau des bâtiments carcéraux.
Il n’a pas pu être également vérifié que l’inspecteur Olmaille Bien-Aimé ait effectivement eu à solliciter du renfort pour faire face à la situation. Il s’est rapporté à ses supérieurs hiérarchiques (DAP et Direction générale de la PNH) huit jours après l’événement. En dépit de ce retard mis à donner signe de vie, le responsable du centre pénitentiaire n’a pourtant fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire, relève le rapport.
Olmaille Bien-Aimé, qui a disparu, serait activement recherché dans le cadre de l’enquête sur l’évasion du 12 janvier au Pénitencier national.
L’évasion spectaculaire du 12 janvier à la prison civile de Jacmel (Sud-Est) aurait été l’œuvre de l’Agent IV Laurent Hyppolithe qui aurait longtemps conçu un plan d’évasion en faveur du condamné à perpétuité répondant au nom de Pierre Emmanuel. Ce dernier aurait versé cinquante mille (50.000) dollars américains en échange de sa libération, selon le témoignage d’un autre condamné à perpétuité, Sainvilmé Religieux, recueilli par l’IGPNH. Laurent Hyppolithe qui a été écroué, ainsi que le directeur de la prison, l’Inspecteur Synal Ysarac et des Agents pénitentiaires auditionnés dans le cadre de l’enquête, rejettent de telles accusations. La thèse soutenue par le chef de la prison est la faiblesse des moyens dont disposaient les Agents pénitentiaires par rapport à la furie des détenus.
L’IGPNH affirme ne pas disposer de suffisamment d’éléments pour établir la complicité de l’agent Laurent Hyppolithe. Elle souhaite qu’il soit temporairement écarté de l’institution policière en attendant les suites de l’enquête judiciaire.
Deux cent cinquante détenus de la prison civile de l’Arcahaie (Ouest), se sont évadés le 13 janvier 2010.
Le même jour, les détenus du Centre de Rééducation des Mineurs en Conflit avec la Loi (CERMICOL) sis à Delmas 33, se sont évadés. Deux cent quatre vingt douze (292) adultes et mineurs s’y trouvaient. Le rapport de l’IGPNH sur l’évasion de Delmas 33 souligne la version des faits de l’inspecteur de police Paul Colson Heurtelou qui dit avoir fait chercher le Sous-Directeur de Gestion Opérationnelle (SDGO), Frantz Charles Dehonnet. Ce dernier, arrivé seul sur les lieux, donc sans renfort, déclara au personnel présent « de ne rien faire contre les détenus s’ils tentent de s’évader et de ne rien entreprendre contre la foule » qui s’était massée à l’extérieur du centre de détention. « Ayant entendu une telle déclaration, les détenus adultes ont forcé leurs cellules pour prendre la fuite. Ils ont aidé les détenus mineurs à quitter également leurs cellules. Le sous-directeur s’est empressé d’abandonner les lieux en constatant les faits », selon le rapport de l’IGPNH rapportant les témoignages recueillis. Dans ses conclusions, l’IGPNH recommande de relever de ses fonctions le Sous-directeur des Gestion Opérationnelle (SDGO), Frantz Charles Dehonnet, du fait qu’il n’a pas pu s’élever à la hauteur de ses responsabilités.
Quatre jours après le séisme, soit le 16 janvier 2010, une réplique a offert l’occasion d’une autre évasion, celle enregistrée au niveau de la prison de « Aux Côteaux » (Sud). Sous l’effet de la réplique, les agents en faction à la prison, pris de panique, en ont perdu le contrôle. Il en est résulté que soixante neuf (69) détenus sur un total de quatre vingt huit (88), se sont échappés.
En plus des recommandations formulées dans les différents dossiers d’évasion, les rapports d’enquête de l’Inspection Générale de la Police Nationale d’Haïti (IGPNH) dressent le constat du manque de moyens de l’administration et des agents pénitentiaires, de l’impréparation, du manque de formation et d’entrainement de ces derniers et de l’inadéquation des bâtiments carcéraux par rapport aux normes en vigueur dans le domaine.