Bélo veut des "changements"
Une fois ses études de sciences comptables terminées et vite oubliées, les portes du succès se sont ouvertes : "J’ai voyagé sur le continent américain, en Europe, en Afrique de l’Ouest". Il donne des concerts de musique traditionnelle haïtienne -un mélange de reggae, ragga, blues et jazz. Et ça marche : "je ressens un certain confort économique", confie t-il. Au contraire de la majorité de ses concitoyens.
Bélo pense souvent, dit-il à "ces 80% de la population sur 8 millions d’habitants qui n’ont pas accès à l’eau potable, aux enfants qui n’ont guère les moyens de s’inscrire à l’école et la pauvreté extrême du pays". Il "voudrait du changement". Pour cet artiste engagé, c’est devenu une obsession : "Aider la majorité de mes compatriotes qui n’ont rien du tout".
"Suite au séisme, je me suis demandé si je devais retourner chez moi, consoler les survivants ou bien voyager pour récolter des fonds grâce à la musique." Bélo a choisi la deuxième voie. Il a joué une vingtaine de concerts afin de soutenir, par exemple, la Croix Rouge haïtienne. Le 15 mars dernier, il a joué à Ney-York pour la reconstruction de la "seule" école de cinéma en Haïti ("Ciné Institut"), située à Jacmel (Sud de l’île). La soirée a rapporté 45000 dollars.
"Les gens m’écoutent davantage que les politiques"
Dans ses chansons, comme "Lakou Trankil" (2005), son titre de référence, il dénonce le sort des enfants délaissés, les femmes abandonnées, et la violence, prônant au passage le vivre- ensemble. "Quand je chante, je peux délivrer des messages universels, mobiliser mon peuple car les gens m’écoutent plus que les politiques, dont les discours indiffèrent". Pourquoi, alors, ne pas débuter une carrière en politique, à trente ans passé ? "Je préfère rester neutre." Cela reflète t-il une crainte de sa par ? "Pas du tout : si j’avais peur, je ne chanterais pas des chansons pour déranger". Bélo en profite pour adresser une pique indirecte aux élus haïtiens : "Je suis très connu, mais je refuse de vivre telle une star, de manipuler les gens et de me placer au dessus des autres".
L’urgence, désormais, c’est la reconstruction de son pays :"Il faut lancer des écoles, créer des salles de spectacles et de musique". Mais d’abord, celui qui voudrait devenir "messager du monde" invite les siens en quête d’un peu de confort à ne pas quitter leur île. Il leur demande de ne "plus se croiser les bras", de se "poser pendant cinq ans" pour "réfléchir à la manière dont ils pourraient régler les problèmes économiques, écologiques, sociaux et politiques". Il faut "éviter que nous dépensions de l’argent en l’air, poursuit-il ; et mettre un terme aux programmes qui n’aboutissent pas. Sinon les investisseurs en auront marre, un jour !", avance t-il, avant de conclure : "Il convient de poser les vraies questions", comme celle concernant "la santé de nos enfants", en particulier, les épidémies dévastatrices de diarrhée chez les plus jeunes. "Donner des médicaments aux enfants qui souffrent de cette maladie servira-t-il sur le long terme ? Les nouveaux-nés auront toujours le même souci, en buvant, à leur tour, l’eau de la même rivière ..."