Mise à jour le 26 septembre
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Jeudi 21 novembre 2024 10:31 (Paris)

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“Tout est langage”

« Le dernier Immigré Arabe – en réalité un Berbère vient de quitter le sol français ce matin. Le premier ministre ainsi que le ministre de l’intérieur se sont déplacés pour assister à ce départ … il reçoit comme cadeau un chameau en peluche et un petit drapeau bleu, blanc, rouge ». C’est ainsi que débute un extrait d’une fable inédite de Tahar Ben Jelloun publiée il y a quelques années, en août 2006, dans les colonnes du Monde Diplomatique et qui garde toute sa fraîcheur, eu égard à l’actualité de la migration.

Texte proposé par Roody Edme

Avec le départ de M. Mohamed Lemmégri, la France ne « sera plus dérangée par les odeurs de cuisine trop épicée, elle ne sera plus envahie par des hordes de gens aux coutumes étranges ».

Et chacun dans l’Hexagone d’y aller de sa rhétorique ‘‘anti-beurr’’. Seule l’extrême droite déprime … elle ne peut plus bouffer de l’arabe et n’a plus de cheval de bataille pour les élections.

Des militants radicaux crient « La France n’est plus ce qu’elle était ! il lui manque le petit épicier arabe ! ». Pourtant, tout le monde était content de ce nettoyage ethnique plutôt pacifique.

Le ministre de l’intérieur aurait même déclaré : « La France a enfin tourné cette page écrite en algérien ».

Mais attention, un certain manque commence à s’installer : plus de personnel infirmier, l’aéroport de Roissy est paralysé, les salons de coiffure transformés en boutique de téléphonie. Il y a bien une tristesse dans l’air, comme une sorte d’amputation. Les citoyens apprennent, comme au bon vieux temps à travailler, sans avoir recours aux Maghrébins.

Seulement, soudain des journalistes à la télévision et à la radio ont des blancs dans leurs phrases … des trous. Des manques. Dans la presse écrite, on s’échine à faire des périphrases pour remplacer ces mots partis avec les expulsés . Le vide commence á s’installer dans un Paris travesti et la tour effel, comme dirait le poète ne reconnait plus son troupeau.

La France entière donne sa langue au chat Maghrébin. Des pages entières du dictionnaire ont disparu. Il y a des blancs partout au propre comme au figuré. On se réunit en conclaves pour discuter de ce mal linguistique, les journaux affichent des titres comme «  La France bégaie ».

Les ‘‘déclinologues’’ de la presse parisienne avaient paraient-ils prévu ce nouveau spleen.On ne peut plus parler dans les médias de l’exception francaise et certains boulevards du Paris jadis multiculturels sont aussi tristes que Venise á l’heure ou les amoureux se séparent.

Et alors, vient enfin un sursaut hugolien : « La France ne supportera pas que sa langue soit amputée ! dit un ministre qui peinait sur une page des mots fléchés ».

Le linguiste Alain Rey appelé en consultation diagnostiqua le mal : « un mot n’appartient à personne en particulier ; un mot n’est vivant que s’il est utilisé ; des mots ont disparu ou sont tombés en désuétude parce que plus personne ne s’en servait ; le problème est malheureusement politique et pas linguistique … il s’agit de faire en sorte que la langue retrouve la paix de son existence et rejoigne les dictionnaires, les romans, les conversations quotidiennes, car les mots absents sont des mots quotidiens … ».

La patrie était donc en danger, à force de vouloir trop se purifier, la France s’est purgée d’elle-même. Le mauvais temps de l’inquisition a amené bien des malheurs, la France parle par périphrase. Alors, le président de la République décida de monter au créneau.

Écoutons : « Françaises, Français, Mes chers compatriotes, … Assalam Alikoum ! Oui, vous avez bien entendu ! Assalam Alikoum cela veut dire la paix sur vous … la France a commis une injustice grave ! Après le 11 Septembre, certains ont dit : « Nous sommes tous des américains ! Moi, je dis aujourd’hui : ‘‘Koulouma arab’’. Nous sommes tous des arabes. Nous sommes tous immigrés. Je sais, je ne serai plus réélu. Qu’importe. Je ne me représente pas. Je rends hommage à la culture arabe, dans l’espoir que certains accepteront de revenir remettre la France sur pied ».

Une fable rafraichissante de Tahar Ben Jelloun comme on sait en faire aux pays des Mille et une nuit.




BÔ KAY NOU


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