A l’orée des retables blasés d’autels
une eau-forte combien aimée de toi
frère qui nage dans le silence de la mort
ô ruine du temps
rachète le vent qui t’a conduit si loin
rachète
et paie ton quota là où tu es
dans l’au-delà des amours de ballerine
la Mort n’existe pas
seul l’Esprit délivré des ténèbres
a préséance sur l’éclatement de la chair
sur l’arbitrage des femmes aimées comme la mer
sur l’Homme qui n’arrive plus
à contrôler la Terre
rachète donc le vent et la mer
qui t’ont mené si loin
rachète
et paie ton passage
aux légionnaires des hautes lunes
paie ton quota
aux portes ouvertes sur le monde des morts
Ô frère de mon enfance débalancée
dans les silènes
je parie dans les hautes sphères
que la mort n’existe pas
que quelque part dans des cités
tu te promènes au lit noyé de ces jeunes filles
jeunes anges de la beauté du ciel
jeunes passereaux couronnés du paradis
Ô frère de l’empathie aveugle et délirant
historien velléitaire de nos histoires d’enfant
Ô frère à l’onanisme enfermé dans un tiroir
reviens-nous dans les murènes des hautes mers
reviens-nous dans d’improbables rêves
toi qui m’as appris à lire dans les tisons
en feu
habitant du sud-est en fleurs
reposoirs des dieux voraces et infidèles
mais Toi
fils de mon père inédit dans ses rêves
létal aux yeux de mauvais rhum
de cette république autoritaire
sans foi ni loi
de ces hommes qui l’habitent et l’accompagnent
dans la mêlée des cœurs frais et solitaires
ô coursier des cités
ô coureur fatidique
longeant les fleuves de l’invisible
Ô tombe
rachète ici les mots de ma peine
qui te saluent dans la couvée des rêves
rachète
et paie ton quota à ma douleur
là où tu es en incarnats de chair éteinte
jusqu’au dernier poème d’un cœur écorché
jusqu’à la dernière lettre de la belle ignorée
jusqu’à mon innocence tout au long des genoux
des morts
Place des Cités, Port-au-Prince (Delmas), printemps 2001
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