N’importe quel amateur du cinéma catastrophe déduirait aisément que l’appellation Le Nouveau Rasoir n’a rien d’offensif devant le géant institutionnel auquel les étudiants du niveau universitaire sont étroitement liés.
Imaginons un instant, l’impuissance de la belle Australienne, Naomi Watts (Ann Darrow) en grand plan, entre les mains du terrifiant gorille Kong du légendaire film King Kong. L’indomptable animal se montre hostile à l’environnement moderne. Or, il possède la capacité de remuer ciel et terre pour sa protégée. Un défi monstre a-t-on évoqué à la sortie du long métrage à l’hiver 2005. Soit dit en passant, la première version du même film avait été enregistrée en 1933. Les meneurs du cinéma américain ont le tour de faire une tempête dans un verre d’eau. La créature n’est en fait qu’une espèce de brute sympathique …
Abordons à présent, un cas de péril de citoyen bien réel. Ce dernier n’aurait pas un impact inoffensif sur l’imaginaire, mais plutôt, des conséquences dommageables sur la population étudiante concernée selon les opposants de du projet de réforme en perspective.
Le dossier est complexe. D’une part, les hauts dirigeants du projet de réforme allèguent que l’inquiétude des occupants de l’établissement est fondée sur des exagérations. Et qu’il s’agit d’un conflit d’interprétation, un débat axé sur la forme que sur le fond. D’autre part, les étudiants perçoivent de toute évidence, le projet de réforme, comme une menace visant à dégrader leur statut d’académicien tout en réduisant leur force agissante.
Qu’il soit clair, nous ne comptons pas prêter mains fortes aux étudiants de l’Université d’État d’Haïti dans le dessein de faire un scandale à caractère de partisanerie. Nous voulons contrecarrer la loi du plus fort dans un esprit de justice sociale. Tel est notre objectif principal.
Note Biographique de l’éditeur
La tête dirigeante du Journal indépendant baptisé Le Nouveau Rasoir, se nomme Luné Roc Pierre Louis. Il est détenteur d’une licence en communication sociale à la Faculté des Sciences Humaines de Port-au-Prince. Le jeune diplômé possède également une licence en Français langue étrangère de l’Université Antilles-Guyane, campus de Port-au-Prince. A sa formation académique, s’ajoute plusieurs autres atouts linguistiques. Car il détient un diplôme en langue Allemande, il parle l’Espagnol et se débrouille en Anglais et en Italien. Le citoyen originaire du Petit-Goâve a pour principaux hobbies le football et la musique. Comme points d’intérêts de réflexions et de recherche spécifique en philosophie, il se préoccupe de la Problématique de l’Éthique, le paradigme de la démocratie et de la société civile surtout à l’aune de Jürgen Habermas et de Hannah Arendt, la théorie critique de l’École de Francfort. En attente d’une prochaine Bourse d’études, il se cherche un poste dans le champ de ses compétences.
Le Journal a vu le jour le 23 septembre 2004. C’est un outil gratuit, mural diffusé par mode électronique. La reproduction est libre à tous ceux et celles qui y trouvent de l’intérêt. Franck Séguy, lui, licencié en Sociologie l’a rejoint en octobre 2006.
Q. Étant donné que vous avez déjà publié une série d’éditoriaux qui s’enchaînent sur la problématique du projet de réforme, pouvez-vous nous souligner brièvement les grandes lignes du fameux dossier ?
R. C’est un dossier qui ne date pas d’aujourd’hui. Mais il y a des moments où l’on en parle plus que d’autres. Citons par exemple : 1996-1997, 2002-2003, 2005-2006 et 2006-2007. Quitte à souligner qu’à chaque fois les principaux acteurs diffèrent. La question de projet de réforme et de projet de loi de l’Université a particulièrement fait surface en 1996 et c’est ce qui a conduit aux fameuses dispositions transitoires de février 1997. Il faut noter que 1996 a été l’année où une réforme a été opérée à la FASCH, réforme qui en dépit de toute faiblesse fait son chemin avec en autres comme points saillants deux concours d’admission l’an et un système de crédit académique de même type qu’à Québec, le seul qui existe en Haïti.
Les dispositions transitoires de 1997 ont stipulé la nécessité des projets de loi à discuter par devant le conseil de l’Université dit Conseil des 33 présidés par le Conseil exécutif de l’UEH avant de les porter par devant le Parlement. Effectivement le Conseil de l’Université a été créé et entre temps, les premières élections où, comme l’exigent les dispositions transitoires, seuls les membres dudit Conseil ont droit de vote, ont eu lieu en mai 1998, le Mathématicien Pierre Marie Paquiot a été élu recteur. En revanche, il n’a jamais eu de Parlement crédible en Haïti et il a fallu attendre cette 48ème législature, jusqu’à présent incomplète tant au niveau de la Chambre qu’au niveau du Sénat. Pour le Nouveau Rasoir, projet de loi pour l’UEH et projet de réforme de l’Université haïtienne (UEH+ les autres universités voire celles qui se disent universités) sont synonymes. Même si la réforme implique beaucoup plus de paramètres voire d’enjeux. Le Journal se demande même s’il ne faudrait pas faire des « États généraux » pour y parvenir. De toute façon, des projets de loi pour l’UEH aujourd’hui impliquent un projet de réforme sérieux ; sans ce dernier, on ne peut proposer des projets de loi sérieux. Mais de plus, tout projet pour l’Université suppose avant tout sur un projet de société. Et c’est ce que ne propose pas le Rectorat de l’UEH aujourd’hui. (Zago)
Q. À la lecture des répliques, on a l’impression que vous considérez l’éventuelle réforme comme étant une dépouille de vos droits acquis. Que redoutez-vous le plus parmi votre lot d’appréhensions ?
R. C’est la dépouille des droits acquis qui fait que les projets de loi du Recteur Paquiot et de ses deux hommes économistes : Deshommes et Laleau ne sont en rien un projet de réforme universitaire. La réforme universitaire doit viser à réformer et non déformer l’Université. Comment comprendre une réforme qui brime l’autonomie et l’indépendance de l’université, accusées dans les articles 208-211 de la Constitution de 1987 encore en vigueur en Haïti, bien qu’elle soit œuvre de grimauds. L’UEH est la seule entité publique en Haïti qui ne soit pas vassalisée par Lavalas sous le totalitarisme d’Aristide de 2001 à 2004, l’unique qui ait poussé le pouvoir sanguinaire d’Aristide à retourner sur sa position et ses actions dans l’affaire CIF-Tardieu en juillet 2002. Comment penser à négocier ces acquis constitutionnels, appelés à légitimer l’Université dans ses actions et dans ses actes. L’ex-Führer Aristide est en exil en Afrique du Sud ; c’est évident. Mais la seule vérité absolue est que le spectre des régimes totalitaires et des régimes dictatoriaux ou autoritaires hante Haïti.
Quand le Rectorat choisit lui-même d’hypothéquer l’avenir de l’Université que Lavalas n’arrivait pas à vassaliser, toute forme d’interprétation respectant les principes exposés par Umberto Eco ou la théorie de la méthode herméneutique de Habermas peut prendre place.
Q. Pour penser à une réforme, il doit y avoir des failles dans le système actuel. Ce projet de réforme est-il une conséquence d’un correctif que vous avez sollicité. Si tel est le cas, êtes-vous en face d’une solution qui semble pire que le problème que vous confrontez actuellement ?.
R. Le système accuse de très grandes failles. L’UEH nécessite même plus qu’une réforme ; il faudrait y faire une révolution. Les étudiants sollicitent continuellement une réforme de l’UEH mais malheureusement ledit projet de loi n’est même pas l’œuvre du Conseil de l’Université mais celui du Recteur Paquiot.
En considérant les failles comme problème, nous pouvons effectivement avancer que si le projet de réforme est une solution, la solution est pire que le problème. Il faut un projet de construction d’une UEH digne du nom, l’université n’existe en Haïti que sous forme de projet universitaire. Il nous manque beaucoup encore à faire pour parler d’université en tant que telle ; même si là il faut tenir compte de l’aune de mesure.
Q. La notion du mérite vous rend très inconfortable toujours selon les arguments avancés dans l’éditorial. Êtes-vous conscient que tout privilège se mérite. Qu’est-ce qui vous fait craindre que les autorités se serviraient probablement de deux poids deux mesures dans le dossier de la réforme vous concernant ?
R. Le mérite en question implique la capacité de travailler pour réussir son concours d’entrée à l’UEH. La crainte est que longtemps il fallait être d’une couleur, être issu d’une famille de renom ou avoir la référence de quelqu’un de classe pour accéder à l’UEH. Le Führer totalitaire Papa Doc exigeait en plus qu’on adhère à la papadocratie pour y accéder. La chute de Baby Doc et les luttes de 1986 l’ont entièrement affaibli et cet affaiblissement conduit à l’anéantissement du sponsoring dans les facultés telles la FASCH, la FDS, la FLA ; mais toutes les FACs se vantent d’organiser des concours sérieux à la manière de la FASCH.
En d’autres termes, la notion de mérite n’est pas nous « mérite » a priori comme un don mais travail. C’est en fonction de ce mérite que les étudiants (es) de la FASCH accusent toujours le meilleur niveau du pays car pour y arriver, on est sûr qu’ils ont vraiment réussi un concours.
Aujourd’hui, certains secteurs ont des problèmes avec l’UEH parce qu’ils n’ont plus la possibilité d’y entrer sous base de favoritisme. Ils se trouvent dans l’obligation d’ouvrir ou de fréquenter des « Près-de-chez-nous-universités » ou d’aller grossir Santiago (République voisine). (Voir aussi le Nouveau Rasoir 57 : Stefania Nati LUIGI, Milano)
Q. Le journal Le Nouveau Rasoir se tient en vigile contre tout dérapage, acte d’injustice, incidence du favoritisme. Mais vous, en tant que communicateur de formation, comment comptez-vous vous y prendre pour arriver ne serait-ce qu’à une solution médiane de ce conflit ?
R. Le Nouveau restera dans la ligne qu’elle se fixe. Il fera la promotion de l’Université tant en critiquant acerbement les dirigeants démagos et en dénonçant le caciquisme sous toutes ses formes.
Q. Dans le paragraphe qui suit, votre collègue, Julien Sainvil y va bec et ongles en déclarant : « C’est dommage que seuls les étudiants et étudiantes sont évalués dans le système d’enseignement haïtien ! » Peut-on présumer à des vices de procédure ou des fautes professionnelles fréquents et qu’on étouffe pour une raison ou pour une autre ?
(...) C’est un véritable cours de méthodologie que le jeune licencié en sociologie, Julien Sainvil[1], est venu exposer aux lectrices et lecteurs. Le texte de Sainvil démontre, si besoin était, à ceux qui s’amusent à cacher leur faiblesses derrière les limites présumées des étudiants de premier cycle que ceci ne constitue en rien un obstacle à la capacité de produire des œuvres de grandes qualités scientifiques. C’est dommage que seuls les étudiants et étudiantes sont évalués dans le système d’enseignement haïtien ! On aurait pu déceler ailleurs de grandes lacunes dans la pauvreté du nombre et de la qualité des mémoires de sortie dans les différentes facultés de sciences sociales de l’Université d’État d’Haïti. (Éditorial.- Dans l’antichambre du banquet épistémologique, Le Nouveau Rasoir, 6 décembre 2006 # 61)
R. La réponse est simple. La plupart des professeurs accusent de profondes lacunes méthodologiques. Mais quand ils font partie des jurys, le jour des soutenances de mémoire, à la FASCH par exemple, ils sont camarades héritiers de Jürgen Habermas, Max Horkheimer, Karl Marx ou Karl Popper.
Le problème du jeune licencié en sociologie Julien Sainvil concerne surtout l’accompagnement des étudiants pour leur mémoire. Il se demande : Et si l’on évalue aussi les professeurs ? Et le Nouveau Rasoir reprend : Pourquoi on évalue pas les professeurs ? Le programme de licence à la FASCH est de 4 ans et les saints étudiants peuvent le faire en moins de 4 ans ; Zago l’a fait en 3½ ans ou 7 sessions. Mais demande-lui après combien de temps a-t-il eu sa licence ? Quelles péripéties a-t-il connues pour faire son mémoire ? Qu’est-ce qu’il a dû faire en fin de compte ?... En communication sociale à la FASCH, saint et sain, tout étudiant a une arithmétique pour réaliser un mémoire. Il faut un accompagnateur ! Qui accompagne ?
Q. En matière d’encadrement et de ressources, les étudiants seraient-ils livrés à eux mêmes au sein de l’institution, d’après la déclaration de madame Michèle Oriol. « L´éducation est une activité simplement technique et l´Université n´a pas la tâche de proposer des modèles de développement ».
(…) Nous sommes maintenant convaincu : dans une réunion tenue au bureau du Vice-recteur Wilson Laleau, sur la question de la réforme universitaire, la puissante Michèle Oriol nous avait subtilement annoncé les couleurs : « l´éducation est une activité simplement technique et l´Université n´a pas la tâche de proposer des modèles de développement « l´éducation est une activité simplement technique et l´Université n´a pas la tâche de proposer des modèles de développement 13. ». Dire que c´est elle encore qui a fermé le département de communication sociale (Faculté des Études Post-graduées) par suite de la réfutation du programme par des étudiants, pour cause de manque de fondement scientifique et d´absence d´ancrage dans la réalité haïtienne ! Des étudiants n´ont pas le droit de penser autrement (Éditorial.- Il était une fois… l’Université d’état d’Haïti, par Franck Séguy), le Nouveau Rasoir, 18 janvier 2007 # 62
R. Ils sont effectivement livrés à eux-mêmes. L’encadrement pour mémoire ou à d’autres niveaux intermédiaires est quasi-inexistant. Pour Madame Michèle Oriol est une femme qui pense que l’université est une grosse école professionnelle qui prolonge l’école classique. C’est pourquoi elle échoue en partant à la Faculté des études post-graduées.
Q. On peut présumer qu’une année académique dans un tel climat de tentions pourrait s’avérer compromettante pour les étudiants. La mise en exécution de la réforme proprement dite est prévue pour quand ?
R. Jusqu’à nous, la question reste une question importante pour un groupe restreint de petits-bourgeois. Tout le public universitaire ne se fait pas encore une opinion qui serait en serait l’opinion publique sur ce projet du rectorat. Conséquence : l’année universitaire fait son petit bonhomme de chemin. Les facs travaillent, étudiants étudiant et étudiants preneurs de cours vont en classe ; professeurs et donneurs de cours s’occupent de leurs oignons.