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L’approche fraternisante christiano-vodou du théologien Jean Fils-Aimé est-elle incongrue ou édifiante ? (1ère partie)

Même en étant préparée mentalement, j’appréhendais que l’issue de l’entretien me mette les nerfs à vif. Effectivement, au moment où je m’apprêtais à démarrer le magnétophone, d’un air décidé, l’interlocuteur m’a demandé si je m’attendais à des réponses honnêtes. J’ai répondu affirmativement tout en réalisant que je n’étais pas en présence d’un géant de papier. Enfin ! Il a fallu que je vive personnellement l’insolite expérience avec l’icône du non conformisme, le Pasteur Jean Fils-Aimé qui se définit comme étant un libérateur, un libre penseur en dehors de l’institutionnalisation et qui fonctionne toujours de l’intérieur. Ainsi soit il.

Q. Vous êtes formé pour guider les gens spirituellement. Vous vous retrouvez en plein axe d’une variation spirituelle ! Ce qui était la bonne voie ne semble plus l’être. Êtes- vous un dissident de la cause évangélique ?

R Le fait d’être un directeur d’opinions, un directeur de conscience en spiritualité ne suppose pas nécessairement une stabilité en moi. Jean Paul Sartre dit : « seul le salop ne change jamais. » Or dans la mesure oû je ne suis pas un salop, je suis un intellectuel qui réfléchit sur plusieurs sujets entre autres la spiritualité, eh bien, j’évolue. La compréhension de certaines spiritualités, de certaines religions change et tant mieux. Donc est-ce que je suis un dissident du mouvement évangélique ? Non ! Parce que historiquement le mouvement évangélique n’est pas un mouvement monolithique. On ne peut pas dire qu’on reconnaît les évangéliques à ses traits caractéristiques formels. Il y a presqu’autant de types évangéliques qu’il y a d’évangéliques. Fondamentalement, l’évangélique est celui qui prend au sérieux les données bibliques. Et jusqu’à présent, je prends très au sérieux les données bibliques. Et c’est justement pour cette raison que je dis qu’il faudrait interpréter l’enseignement traditionnel du christianisme.

Q N’empêche que plusieurs croient que vous êtes un dissident !

R Mais ils peuvent dire n’importe quoi. C’est intéressant. Tous ceux qui ont révolutionné, qui ont changé la compréhension dans un certain domaine ont toujours été considérés comme des dissidents. C’est avec raison que Albert Einstein a dit : « Les grands esprits sont toujours persécutés. » Prenons l’exemple du Christ. Le Christ vient et il dit ce ne sont pas les commandements, le sabbat et tout le reste qui importent pour Dieu. Ce qui importe c’est la compassion. C’est l’Amour entre les humains, tous les humains. Alors là, ils l’ont crucifié, ils l’ont assassiné en disant que lui c’est un dissident, un profanateur. Comment un type comme ça peut prétendre être le fils de Dieu ? Quelque temps après, Paul qui a persécuté ses disciples a découvert que le Christ avait raison. Et que ce qui importe vraiment c’est de se rappeler que ce ne sont pas des efforts que l’on fait pour Dieu qui importent, c’est finalement d’accepter ce que Dieu donne par la foi. On sait qu’il a fait la prison précisément pour ses convictions. Cela ne m’étonne plus que les gens me qualifient de dissident. Je pense que je suis un libérateur. Je comprends la bible très bien. Et j’aime la bible, je la prends très au sérieux. Mais je dis que l’enseignement traditionnel a fait fausse route. Je ne peux plus me permettre de continuer à véhiculer cet enseignement traditionnel. Je ne serais pas honnête. Mon intégrité spirituelle, mon intégrité intellectuelle, ma relation avec Dieu me force à dire les choses autrement. J’aurais pu rester dans mon coin et dire ils se trompent ceux-là. Mais j’ai quand même une mission. Si on a découvert une certaine vérité, il faut la partager. Je dis bien une certaine vérité, je n’ai pas toute la vérité. La vérité se découvre au fur et à mesure. On va la découvrir au gré de cet entretien. Je ne peux pas me permettre de garder ma petite vérité pour moi quand que je suis persuadé que l’enseignement traditionnel au niveau de la bible fait fausse route.

Q. Quitte à vous attirer des ennuis, vous proposez la fraternisation de toutes les disciplines religieuses, y compris le vodou, et que cette convergence se fasse dans la limite du « vivre et laisser vivre » n’est-ce pas ?

R. Quand on se croit investi d’une mission, on ne mesure pas les ennuis. On se dit d’autres avant nous ont souffert pour des causes et on leur donne raison dix siècles plus tard. Le premier catholique à avoir donné raison à Martin Luther et venu au monde au 20ième siècle seulement. C’est-à-dire que Martin Luther a été considéré comme un hérétique près de 400 cent ans. Après sa mort, on a dit qu’il avait raison. Il a fallu que Luther King aux Etats-Unis, meure pour dire qu’il avait raison. Et aujourd’hui, le jour de l’assassinat de Martin Luther King Junior est considéré comme un jour férié aux États-Unis. A ce niveau, les ennuis m’importent peu. En fait, quand je lis sur internet quelqu’un faire une déclaration sur le livre qu’il n’a pas lu, cela m’amuse. J’en ris. D’ailleurs, ceux qui ont lu ne diront pas que Jean Fils-Aimé a tord. Ils peuvent dire que ce n’est pas ma position. Je nuance. Je prends un certain recule, une certaine distance. Ils ne peuvent pas dire qu’il a carrément tort parce que c’est un travail scientifique. Ceux qui osent se frotter à l’ensemble de mes écrits peuvent encore dire que je prends position et cette position n’est pas fantaisiste. C’est le plus grand crédit qu’on puisse me faire. Et je mourrai pour défendre le droit de ceux qui ne sont pas d’accord.

Q. Cette fraternisation que vous proposez, pensez-vous que cela se réalisera un jour ?

R. Sûrement ! Les religions divisent vous savez ! Toutes les religions au monde divisent. Et il faut servir Dieu sans la religion. Le christianisme n’a pas aidé les humains à servir Dieu. Est-ce le Pasteur qui parle ? – Oui, je le suis encore. Et je pense que tout mon mérite vient du fait, quoique Pasteur, je dise l’institutionnalisation de la relation de l’homme avec Dieu est un tort. Qu’est-ce que la religion ? C’est un petit groupe de bien pensant qui se croit en mesure de gérer la spiritualité de la masse. Ces leaders spirituels se disent : nous, on comprend mieux et on est en mesure de gérer votre relation avec Dieu. Et à chaque fois qu’il y a gestion, il y a idéologie. Cette gestion de la relation de la masse avec Dieu est idéologique dans le sens qu’elle est là pour rasoir l’autorité des leaders sur la masse. Et moi je dis, il faut être spirituel sans être religieux. Je suis un vrai disciple du Christ. Car il n’était pas du tout un Être de religion. Il n’était pas religieux. A chaque fois que le Christ entrait dans le temple s’était pour foudre la merde. Il est entré dans le temple à l’âge de 12 ans, il posait des questions aux pharisiens qui étaient dérangés par sa curiosité. Il est revenu quelque temps après, il faisait des miracles. Et on disait qu’il ne respectait pas le sabbat. Il revient encore pour balayer tout ce qui se trouve sur son chemin. Et lorsque ses disciples Juifs très fiers du temple d’Érode lui ont montré la beauté du temple, il a répondu, « étonnez-vous de cela, car bientôt, il ne restera que pierre sur pierre. » Dans un autre discours, son entretien avec la samaritaine qui tentait de lui dire : « Vous adorez à Jérusalem, il faut adorer à la Samarie. » Le Christ à dit : « le temps est déjà venu où les vrais adorateurs n’adoreront ni à Jérusalem ni à la Samarie, mais ils adoreront en esprit et en vérité. » Ce qui compte, c’est la relation avec Dieu. Et non l’institutionnalisation de la spiritualité. Quand la spiritualité devient religion, alors c’est fatal pour l’humain. Le plus grands crimes au monde ont été commis par les religieux. Ce sont les religieux qui ont fait tué le Christ. Ce sont les religieux ont assassiné Galilée n’est-ce pas ! Lui qui disait : non, ce n’est pas le soleil qui tourne autour de la terre, c’est la terre qui tourne autour du soleil. Les prêtres catholiques ont précisément voulu assassiner Louis Pasteur lorsqu’il a découvert le microbe. Par la découverte du microbe, il expliquait désormais la maladie de l’humain non pas en terme de malédiction ou de bénédiction mais en terme de virus. Et l’Église s’est sentie menacer en disant si on parle de microbe, désormais, on ne pourra plus dire que c’est le diable qui punit. Et tous les humains qui sont morts pendant les croisades au moyen Age. Hitler a tué les Juifs au nom du Luthéranisme. En somme, la religion a été plus fatale pour les humains que le contraire. Et quand on pense que Ben Laden a fait le 11 septembre au nom d’Allah. Georges Bush est entré en Irak au nom de Dieu. C’est la foutaise tout ça. Donc il faut être spirituel sans être religieux. Puisque la religion nous a empêché de nous unir. Mettons de côté nos prises religieuses, vivons la fraternité et Dieu sera content de nous. C’est ce que je recommande.

Q. Si je comprends bien Dr Fils-Aimé, il a fallu que vous soyez Pasteur pour pouvoir mieux basculer les choses ?

R. Tout a fait ! Moi, je suis quelqu’un qui présente une vision de l’intérieur. On ne peut pas dire c’est parce qu’il ne comprend pas. Je suis Pasteur depuis l’âge de 22 ans. J’ai grandi dans le protestantisme toute ma vie. J’ai fréquenté l’école des frères que ce soit au primaire, au secondaire. Je connais la religion de l’intérieur et je dis au 21ième siècle il ne faut pas servir Dieu dans les mails de la religion. Il faut servir Dieu sans la religion tout en étant spirituel. Et cette approche, je l’ai prêchée même à mon église.

Q. Admettons que les parties adverses se rallient et tentent par tous les moyens de vous museler par rapport à votre vision tout en assurant « l’échec du matériel », seriez-vous dans l’obligation de courber les chines ou avez-vous un autre cheval de bataille pour la survie de cette conviction ?

R. Personne ne peut me museler. Je suis un dur à cuir. A un moment donné, mon enseignement commençait à faire mal. Et en novembre dernier, j’ai démissionné de l’église parce qu’il commençait à avoir une mésentente entre le conseil de l’église et moi sur la question du remariage. Dès mon installation à titre de Pasteur, je n’étais même pas encore marié et je disais qu’on a fait du remariage un péché capital, ce n’est pas vrai. Le divorce suppose un péché dans le sens qu’on rompt une alliance. Mais tout péché trouve pardon ! Alors pourquoi tenir rigueur à quelqu’un qui aurait rompu une alliance au point de lui dire qu’il n’a pas le droit de nouer une autre alliance quand Dieu peut pardonner tous les péchés. Sur cette base théologique je m’y oppose. J’étais le premier Pasteur patenté à Montréal qui remariait les gens. Je le refaisais au grand damne du conseil de l’église mais je m’assumais bon… La nature a voulu que moi-même je vive un divorce. Et sitôt qu’on commençait à me demander si j’étais ouvert au remariage, j’ai dit oui. Cela commençait à créer la dissidence. J’ai pris tout le monde par surprise en annonçant ma démission un dimanche matin.

Q A propos de cette démission, vous a-t-on forcé à démissionner ?

R Nul n’était au courant de ma décision, sauf ma maman. C’est pour vous dire qu’on ne m’a pas forcé à démissionner. J’ai de très bons amis qui fréquentent l’église encore. Et jusqu’à présent, je ne prêche pas à cette église là, mais je prêche dans d’autres églises. Cette fin de semaine je ne serai pas ici, je serai conférencier pour toutes les églises de l’Armée du salut qui viendront de partout à travers le Canada.

Si cela peut vous assurer, je ne compte pas baisser les bras par rapport à mes convictions. Chacun a une mission. Tu as la mission de m’interviewer, j’ai la mission de répondre honnêtement. Dans la mesure oû le reportage est conforme à mes convictions. Quand je me relis, je ne le fais pas pour mesurer l’impact. Je me réjouis de ne plus faire partie d’une institution justement pour cette raison. Je peux dire ce que je veux, sans avoir à rendre de compte à un conseil d’église.

Q Vous n’êtes pas prêt à vous réintégrer de façon permanente à une église ?

R Pas d’aussi tôt. Je pense que j’aime bien la vie que je mène là.

Q Quelle vie menez-vous Pasteur Fils-Aimé ?

R Je suis un libre penseur.

Vous l’avez toujours été !

R Je l’ai toujours été à la seule différence que j’étais un penseur institutionnalisé. Parfois, il est avantageux qu’un penseur laisse l’institution pour pouvoir dire toute la vérité. A présent, je n’ai pas de compte à rendre. Et quand on fait partie d’une institution, on a forcément un discours de ligne de parti. Je ne suis pas un homme de partie, du moins, je n’aime pas suivre une ligne de parti. Je suis fidèle aux différentes vérités que je découvre. Quelle fassent mal ou qu’elles fassent du bien. De toute façon, à la longue, la vérité fait toujours du bien. Or je découvre précisément que ce sont les gens les plus religieux qui ont peur de la vérité.

Q. Quelle définition donnez-vous à la notion de fidélité ?

R. La fidélité c’est la conformité à la vérité et à la réalité. Je me considère fidèle si je dis ce qui est conforme à la réalité. Je ne sais pas si cette définition vous convient. – Cette définition s’applique selon vous sur le plan sentimental ou autres dimensions ? – Sur le plan sentimental ou autres dimensions, il faut voir quel type de contrat on a. Et il faut d’abord chercher à être fidèle avec soi avant d’être fidèle aux autres. Si on n’est pas fidèle à soi, on ne peut pas être fidèle aux autres, on devient hypocrite. Mais une fois qu’on est fidèle à soi, on peut négocier des ententes avec l’autre. Dans une relation sentimentale par exemple, on peut décider d’être loyal l’un envers l’autre. Il n’y pas une fidélité absolue à laquelle tout le monde cherchera à se conformer. La fidélité se définit à chaque fois, en fonction de soi et en fonction du contrat que les deux partenaires se donnent. - Dans un contrat sentimental, la fidélité est implicite à mon avis. On ne négocie pas la fidélité. – Mais on négocie le contrat et du même coup les thèmes de la fidélité. – Est-il possible que l’on soit infidèle dans sa fidélité ? – Certainement. Pourvu qu’on soit fidèle avec soi-même, l’infidélité perçue par l’autre importe peu. Je ne peux pas être fidèle à l’autre si je ne suis pas fidèle vis -à - vis de moi-même.

Pasteur Fils-Aimé lors de la conférence portant sur le film : Code Da Vinci de l’auteur Dan Brown




BÔ KAY NOU


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