Preuve en est la confiance affichée par Jean-Yves Labaze , l’homme qui a mené la sélection U-17 à sa première Coupe du Monde de la FIFA de la catégorie. "Notre objectif est clair, nous voulons passer le premier tour" clame-t-il au micro au FIFA.com au terme d’un entrainement sous le chaud soleil de Gwangyang. "Nous savons que nous sommes petits, mais ça ne veut pas dire que nous partons battus d’avance. Comme dans chaque compétition, nous sommes là pour essayer de réaliser de bonnes performances à chaque match et terminer à une place honorable".
"Bien sûr nous ne venons pas pour être champions du monde. Mais nous espérons faire bonne figure et apprendre beaucoup. Nous sommes encore petits, et participer à une telle compétition c’est un peu comme poser des questions à ceux qui sont plus grands. Et nous espérons repartir moins petits !"
Pourtant, si l’aventure devait se terminer à l’issue de la phase de groupes, l’entraineur haïtien ne considèrerait pas forcément ce modeste parcours comme un échec. "Nous savons que nous sommes dans un groupe très difficile avec le Nigeria, double champion du monde, la France, championne du monde, et le Japon, champion d’Asie. Mais si ne nous ne nous qualifions pas tout en ayant montré de belles choses à chaque match, alors nous pourrons être fiers et partir la tête haute".
Pour tout le peuple haïtien Versé dans l’un des groupes les plus relevés de la compétition, la petite nation caribéenne n’a pourtant rien d’une victime expiatoire malgré le talent et le palmarès des ses adversaires du premier tour. "Tout le monde nous présente comme les petits poucets du groupe, et même du tournoi, mais ça ne nous fait pas peur. Lors des qualifications, nous étions dans la même situation et regardez le résultat. Nous avons joué sans complexe face au Mexique et ça nous a réussi (1:1). Haïti est en Corée aujourd’hui alors que les champions en titre n’y sont pas".
Dans un pays appauvri et déstabilisé par des problèmes économiques, politiques et sociaux, cette qualification a redonné le sourire aux huit millions d’Haïtiens fiers de leurs jeunes pousses. "Nous avons été accueillis comme des héros à l’aéroport, on a du faire le chemin à pied" se souvient Labaze avec émotion. "On a apporté non seulement de la joie, mais aussi de l’espoir au peuple haïtien. On a soulevé l’enthousiasme et on a montré qu’avec du sérieux et de l’application, on peut faire de grandes choses."
Conscient de l’importance sociale du football dans un pays en crise, le technicien a œuvré pour la mise en place d’un centre de formation à Port au Prince. "Il a des problèmes politiques et sociaux à Haïti, et le football sert d’ambassadeur pour donner une autre image du pays. Voir aujourd’hui le drapeau haïtien aux côtés de ceux du Nigeria, de la France et du Japon me remplit de fierté. Je n’aurais pas aimé être un ambassadeur politique, d’ailleurs je ne sais même pas comment s’écrit ’politique’, explique-t-il dans un éclat de rire. Mais je suis malgré tout devenu un ambassadeur de mon pays."
"L’union fait la force"
Il faut croire qu’il a vite compris les ficelles de son nouveau métier puisque sa ligne de conduite à la tête de ses joueurs n’est autre que "l’union fait la force" la devise nationale inscrite sur le drapeau haïtien. "Je me souviens que le Président Aristide (Jean-Bertrand Aristide, ancien président de la république d’Haïti ) disait ’Quand on est seul, on est faible’. Dans notre jeu aussi, l’union fait la force. Nous avons beaucoup insisté sur la solidarité entre toutes les lignes. Chacun donne toujours un coup de main à son coéquipier."
Grand tacticien et habile meneur d’hommes, Jean-Yves Labaze a fortement insisté sur l’aspect mental lors de la préparation de son équipe pour le tournoi. "Le côté psychologique est très important dans une Coupe du Monde. Il faut faire comprendre aux joueurs que le sort d’une rencontre peut basculer en une seconde, sur un moment de faiblesse, de déconcentration ou d’inattention."
"Contrairement aux autres équipes, Haïti ne connaît pas les autres équipes. Tout le monde connaît tout le monde dans le football moderne. Mais nous, nous n’avons pas les mêmes moyens, on ne peut pas se permettre d’envoyer quelqu’un étudier le jeu de nos adversaires. Alors on préfère se concentrer sur notre jeu."
Mais visiblement, cette situation est loin d’inquiéter l’entraîneur haïtien qui sait que son équipe peut s’appuyer sur d’autres atouts "On ne connaît personne mais on n’a peur de personne non plus. De nombreuses équipes ont des joueurs qui jouent déjà en professionnel. Un match contre Haïti, c’est un peu le football professionnel contre le football amateur. Les pros jouent pour gagner leur vie, les amateurs jouent pour l’honneur." Et à Haïti, l’honneur n’est pas un vain mot. Les adversaires sont prévenus.