Nous profiterons de l’aide précieuse d’un superbe livre écrit en français de M. Yves ANTOINE "inventeurs et savants noirs" édité par l’Harmattan en 1998.
Lisons cependant ces lignes d’introduction pour en savoir davantage :
Non informé de l’apport scientifique et technique des Noirs à l’humanité, Aimé Césaire, dans sa célèbre et magnifique plaquette, Cahier d’un retour au pays natal, a écrit :
Eia pour ceux qui n’ont jamais rien inventé
pour ceux qui n’ont jamais rien exploré
pour ceux qui n’ont jamais rien dompté
Sans remonter aux anciennes cultures africaines vieilles de plusieurs centaines d’années, on peut affirmer que la contribution du monde noir à la science et à la technique modernes mérite d’être soulignée. S’il existe de nombreuses publications en anglais consacrées à ce sujet, force est de constater qu’en français, très peu de travaux ont été accomplis, mettant en valeur la diversité du génie des créateurs noirs.
Parmi les ouvrages les plus intéressants, signalons le Dictionnaire de la Négritude (1989) de Mongo Beti et d’Odile Tobner ; le Dictionnaire Black (1995) de Christianne Passevant et de Larry Portis.
Ces livres très généraux ne posent pas l’accent sur les savants. Néanmoins, nous avons été nous-même agréablement surpris d’apprendre que des Noirs ont effectué des découvertes scientifiques et des inventions techniques.
Car de pareilles réalisations n’auraient pas été possibles en dehors d’un contexte socioculturel humainement favorable et doté d’infrastructures appropriées. A cet égard, les propos de Guy Sorman prennent tous leur sens :
" Au total, la variété infinie de l’espèce humaine n’interdit à aucun peuple ou sexe particuliers d’accéder aux plus hautes sphères de la connaissance, à condition peut-être qu’un nombre suffisant, à l’intérieur de ces peuples ou de ces sexes, reçoive les moyens de se former, puis de travailler".
Le mathématicien français René Thom est plus incisif : "La science, dit-il, n’est jamais hors de la société, au contraire, elle est toujours un fait socio-politique".
Dans cette perspective, on comprend aisément que le nombre de savants noirs aux Etats-Unis par exemple soit restreint et que ces derniers soient presque inconnus du grand public.
Plus d’un facteur explique ce phénomène.
D’une part, la communauté scientifique a toujours l’image d’un univers clos , inaccessible ; d’autre part, les secteurs d’activités comme la danse, la musique, la politique, le sport, etc ., se prêtent mieux, semble-t-il, aux puissants moyens actuels de communications de masse. En effet, qui n’a jamais entendu parler de Muhammad Ali (Cassius Clay), de Harry Belafonte, de Nelson Mandela, de Pelé ?
Mais sait -on que ce fut le Noir américain Garett A. Morgan qui inventa les feux de circulation automobile ?
Quoi qu’il en soit, les médias, souvent obnubilés par des préoccupations mercantiles, ont une bonne part dans la responsabilité de la distance qui sépare les hommes et les femmes de science du public en général. Un rapport pénétrant de l’UNESCO a attiré l’attention sur leur rôle et leur toute-puissance : " Dans le domaine de la communication, le secteur privé est investi, en ce qui concerne l’établissement des modèles sociaux et l’orientation des attitudes publiques et du comportement, d’un pouvoir comparable à celui des gouvernements, parfois même encore plus grand du fait de l’importance des ressouces financières en jeu".
En fin de compte, respectueux de l’idéologie dominante dans les sociétés occidentales et notamment aux Etats-Unis, les médias manifestent peu d’intérêt à montrer le Noir sous un nouvel éclairage. Ce livre se veut donc un outil d’information et est appelé à être enrichi par le lecteur.
La raison en est que nos choix n’ont pas échappé à l’arbitraire.
En d’autres mots, nous n’avons pu retenir tous les scientifiques noirs de haut niveau dont plusieurs travaillent pour des laboratoires européens. Certains ont exercé dans des entreprises ou centres de recherches américains très renommés. Mentionnons, à titre d’exemple, le Dr Evelyn Boyd Granville ( née en 1924 ), le Dr Mae Jemison ( née en 1956) qui étaient respectivement au service d’IBM et de la NASA.
Contribuer à la vulgarisation, dans les milieux francophones, de l’apport d’inventeurs et de savants de race noire à la civilisation universelle, tel est notre projet. Les écrivains haïtiens Jean F.Brierre et René Piquion ont publié en 1950 un opuscule intitulé Marian Anderson en hommage à cette sublime cantatrice.
En écrivant cet ouvrage, nous avons voulu à la fois perpétuer la mémoire de quelques inventeurs et scientifiques, rétablir une certaine vérité et rendre une certaine justice. Dans la mesure où ce travail aura réussi à miner tant soi peu ce qui reste de préjugés dans nos sociétés où, hélas, le racisme est encore vivant, nous nous estimerons satisfait’.
Yves ANTOINE est né à Port-au-Prince le 12 Décembre 1941. Après avoir séjourné en Europe et aux Etats-Unis, il vit au Québec depuis 1969. Il est diplômé en pédagogie et en littérature française, respectivement des universités de Montréal et d’Ottawa. Membre du Jury littéraire de l’alliance française d’Ottawa en 1996 et auteur de plusieurs ouvrages, il enseigne au collège de l’Outaouais. Malgré la distance et le temps qui le séparent d’Haïti,Yves ANTOINE reste sensible aux multiples événements qui ont marqué l’histoire de son pays d’origine qu’il a quitté en 1964.