Poète
un doigt dans la bouche des morts
les mots sur un caillou du train de nuit qui passe
toujours par le même chemin depuis que tu arroses des
fleurs dans le silence des mômes à genoux
deux pièces lancées au passeur passionnel des exils et des abandons prolongés
et te voilà
homme de cœur attaché au fil d’Ariane
inaccessible à la marche des morts / à la douleur des dryades et ondines qui disent à l’oreille des mages la gloire inopportune des gnomes
la nuit qui porta le poème dans tes mains
vaste que je voudrais davantage
au lieu de ma naissance
imprimer tes pas de bonze dans les coffres d’un homme / crâne rasé de l’indigène
que la palme / la gloire prématurée ou l’absence qui t’est échue
soit ouverte à l’attroupement des mots et à l’injure
Rimbaud qui de tes yeux de curé collecte des roses et des pucelles embauchées aux goûts de sucre d’orge et de porte-bonheur bien ajusté
les bornes dans les yeux des fontaines
que faut-il ajouter à la femme idéale sinon les mots du poème à s’imaginer dans le lit du donneur
ton livre grand ouvert aux coccinelles des casiers de ma bibliothèque
l’unique témoin de mes dix doigts bruns dans les tabatières du poète imberbe
pages de carbone enroulées aux interrogations sans défense
d’auteur habile de nuit qui fait parler l’exil du dormeur au bord des larmes
tu étais cette main créatrice
ressui du vent installé à l’abattoir des alouettes
jeune corvée qui n’a pas eu le temps d’aimer les filles et les tribus de femmes que dévisagent les masques dans la harpe du cellier
Poète
tes pas dans la nuit des orantes sont désormais de ceux qui vont recommencer
le tombeau des Rois
la charte des péchés aux chancres de la plus merveilleuse femme amendée
le pavot de l’archevêque alité tel un enfant
le doigt dans les affres du vicaire installé à l’ombre d’une mégère
comme cette vierge plus intense que la fusion des atomes
plus étale et aussi folle que la coulée de tes phrases dans la cour des miracles aux mots de la longue liste des voyelles aux chevauchées simiesques
me parlent les poètes et je les conseille dans leurs tocades et dans leurs intimités d’hommes à odalisques conquises par la nèfle des plaisirs souterrains
me gâtent jusqu’à l’étourdissement les poètes de mots fragiles dans les livres d’épitaphes courts pour le premier des morts au cœur hermaphrodite
tu étais cette main généreuse
ressac du vent libéré de la prison des souverains
regard feuilleté tel un guide chimane
Poète friand des mots doux / des archipels où veillent les totems sur la tribu des mers
le cœur inédit d’un oiseau
rare dans les calendriers des poètes / témoins de la brûlée de la terre des hommes bons et du braconnage de l’antilope massive dans la savane vierge de toute eau lourde et de toute assistance des mâles vétérans du sanctuaire qui t’accompagneront dans la foulée des mots et sous un chant des nobles / poètes du pays voisin que célèbrent les dieux
.... à l’envol d’un oiseau inédit.
Montréal, 27 juillet 2004