je t’aime dès ta sortie de l’hymen
pour la première bouffée d’air
pour ta dernière brassée dans le fleuve amniotique
pour le premier cri prononcé de bas en haut
ton petit visage dans mes mains honorées
je t’aime pour les premières paroles annoncées
et porteuses d’espoirs insensés
pour le soleil et le rire d’enfant que tu portais
pour l’amuse-gueule et ta dernière bavée de rêves
ton petit regard dans mes yeux privilégiés
je t’aime pour ton amour d’enfant paresseux
pour tes jets d’eau et de bave fraîche de sel
pour ta corpulence d’enfant
pour tes syllabes marmottées au-delà du réel
pour la montée des étoiles jusqu’à ta couche malheureuse
je t’aime pour ma cellule que tu es
pour ton premier cri d’effroi dans ma vie
pour le premier soufflet à ton père
pour tes yeux persans et dociles
ta première marche vers la fable d’être homme
je t’aime pour ta naissance retardée dans les trompes
pour ta première descente dans les coulisses du bonheur
pour ton premier hoquet dans la matrice du désir
pour ta nidation jusqu’au bout du dernier geste
je t’aime pour ton regard d’intolérance
pour le refus d’autres naissances aux fins des promesses
pour le déni de me partager jusqu’au limon de la joie
ton premier voyage à la découverte d’un second fils
je t’aime pour tes yeux doux au berceau
pour tes mimes sympathiques de jeune magot
pour tes sanglots d’enfant dans la nuit insolite
pour tes besoins de protection dans la nuit des sortilèges
je t’aime parce que je t’aime jusqu’au bout du temps
pour le désir à chaque battement de tes artères
pour l’odeur jeune dans ta nudité sans égale
tes vœux de bonheur et de voyage dans ma vie
d’homme détourné
je t’aime pour ta voix rauque de jeune dompté
pour tes yeux fixes au bord du vide
pour ta tendresse au fond des cils de l’espoir
pour ton amour suprême aux yeux des hommes
ta seconde marche vers ce que tu es
un homme de toutes les rues
vide du péché d’être fils solitaire
un fils loyal dans mes démarches
d’homme accaparé par le mauvais temps
mon double qui doit être à son aise
dans les mots de la vie et du poème
dans mes profonds messages d’amour
d’aménité ou d’espérance de toutes les syllabes
bénies des dieux
Repentigny, 02.08.2002