L’Histoire Canadienne compte plusieurs figures dominantes. Et de son vivant, le charisme cognitif du patriote, Louis Joseph Papineau, ne faisait pas de doute ; si bien que dans la croyance populaire de la société québécoise, pour désigner quelqu’un qui fait preuve d’espièglerie, on le surnomme de « tête à Papineau ». L’auteur et cinéaste, Jacques Godbout, s’est même servi de l’expression pour baptiser un de ses romans. Sait-on jamais, c’est peut-être par le courant de cette influence que les responsables du programme ont actionné à présent les bras des étudiants, cette fois, avec la variante de l’esprit sportif qui peut conduire à un défoulement bénéfique.
L’établissement scolaire du niveau secondaire, Louis Joseph Papineau, expérimente un programme de boxe instauré par l’Agent Evens Guercy du poste 30 du Service de Police de la Communauté de Montréal (SPCM). Le titulaire de la discipline, entourant le programme, nous fait part des grandes lignes de l’activité.
L’agent Guercy est celui qui fait honneur au nouveau virage du corps des forces de l’ordre appelé : La police communautaire. Il est affecté au poste 30 du service de police de Montréal. Président de sa promotion, la 31ième cohorte, il a également obtenu plusieurs mentions qui ont fait écho auprès de ses successeurs. Ces derniers voient aujourd’hui en lui un modèle. Par son charisme, il se fait respecter de ses compagnons de travail autant que des citoyens. Ses collègues parlent de lui comme un homme d’influence, empathique qui, heureusement, est positionné dans un secteur où il peut se rendre utile à sa communauté. Il coordonne et planifie le programme de boxe dans le quartier Saint-Michel avec une vision de transparence.
Q. Agent Guercy, peut-on considérer le programme de boxe instauré à la polyvalente Louis Joseph Papineau comme parascolaire ou intra scolaire ?
R. C’est une activité parascolaire qui a pour but de faciliter les parents qui n’ont pas les moyens d’offrir à leur jeune ce loisir en dehors du cadre académique.
Le ring aménagé à la salle de gym
Q. Autre que l’esprit sportif, quels sont les autres intérêts qui importent dans le projet ?
R. Le programme a été conçu pour pallier à un manque chez les jeunes. Figurez-vous qu’il n’y a pas de Maison des jeunes dans le quartier Saint-Michel. Et ils ont besoin de ce genre d’encadrement pour maintenir leur sentiment d’appartenance. - Donc, c’est un programme élaboré dans le but de contrer davantage les familles défavorisées que la délinquance ? - C’est surtout pour combler le temps mort des étudiants après l’école que j’ai mis sur pied ce programme. La délinquance n’a aucun lien avec le projet. La participation des étudiants vient avec leur désir de s’impliquer.
Personnellement, je n’y vois pas une démarche de valorisation du fait de canaliser tous les délinquants dans un même projet en croyant les aider. Je ne l’aurais pas fait. Il aurait fallu que je prenne l’initiative d’investiguer sur chaque candidat en prenant le risque de les harceler. Non, ce n’est pas le but du projet que de cibler une catégorie d’individus. De plus, avant de mettre une étiquette sur le quartier Saint-Michel et les résidents, j’aimerais qu’on me soumette une étude sérieuse sur le secteur, et ensuite une étude comparative par rapport aux autres quartiers. Je ne nie pas qu’être défavorisé puisse entraîner la délinquance. J’appelle à la prudence quand il s’agit de généraliser.
Q. Êtes-vous le seul maître d’œuvre de cette initiative ?
R. J’ai eu le concours de plusieurs partenaires pour pouvoir concrétiser le projet. Au départ, j’hésitais entre un programme de musique ou de sport, mais quelque chose qui pourrait assurer le bien-être des jeunes. Finalement, j’ai choisi le sport qui rentre dans mes champs de compétence. - Etes-vous boxeur, Agent Guercy ? - Je suis un entraîneur certifié par la Fédération des Boxes Olympiques du Québec (FBOQ).
Q. Vous avez parlé... des partenaires, qui sont-ils ?
R. Sur le plan financier, c’est la ’’Maison d’Haïti’’ qui gère le projet pour diverses raisons dont la transparence. J’ai eu le financement très généreux de l’Association des Médecins Canado-haïtienne, par le biais du Dr Marie Hélène Lindor. Nous avons la collaboration des dirigeants des écoles Louis Joseph Papineau et Jean François Perrault. D’ailleurs, notre local est adjacent à l’établissement Louis Joseph Papineau. Nous travaillons en étroite collaboration avec le service de la Police du quartier Saint-Michel, la Ville de Montréal, La Commission Scolaire, la Maison d’Haïti, et bien sûr nous avons le soutien de l’idole des jeunes, le boxeur Joachin Alcine.
Q. Pouvez-vous me résumer le contenu essentiel du programme ?
R. Je voudrais préciser que la boxe professionnelle est très différente de la boxe olympique. Pour participer à cette discipline, il faut être un athlète qui a la volonté de s’investir au meilleur de sa capacité, dans le respect de son entraîneur, de ses adversaires et des codes d’honneur. À partir des règlements, si le jeune s’y conforme, il est sûr de bénéficier d’un encadrement positif. Et cette discipline va certainement avoir une répercussion sur sa vie d’étudiant, sociale et personnelle.
Q .Jusqu’ici, comment réagissent les étudiants face au programme ?
R. le programme a débuté en novembre 2005. L’atmosphère qui s’y dégage est celle d’une grande famille. Nous évoluons au niveau local. Mais pour les jeunes qui ont du potentiel, ils peuvent progresser au niveau national et même international.
Q. Avez-vous une clientèle féminine représentative parmi les étudiants ?
R. Je suis agréablement surpris. Au début, j’envisageais 10 % de la gent féminine, alors que l’effectif est présentement de 20 % dans la réalité. Au cours de la première session, nous avons recruté 50 étudiants. - Les filles subissent-elle un traitement identique aux gars ? - Certainement, la boxe est un sport technique. C’est une question de transfert de poids. A titre d’exemple, si le poids de la fille est évalué à 115 livres, elle subira des entraînements en rapport avec son poids. Le même procédé est valable pour un jeune dont le poids est de 150 livres.
Q. Envisagez-vous des compétitions prochainement ?
R. Justement, c’est là que repose l’enjeu de la motivation et de la valorisation. Il y a une possibilité de 10 à 15 combats dans l’intervalle de deux à trois ans.
Q. Êtes-vous l’entraîneur en chef du programme ?
R. Compte tenu de mes nombreuses activités, l’entraîneur en charge est monsieur Olivier Lontchi qui est le champion canadien en boxe professionnelle de sa division. J’ai aussi la collaboration de Joachin Alcine.
Q. Quelle catégorie d’étudiants y a droit ?
R. Comme je vous l’ai déjà mentionné, le programme est ouvert à tous. Mais il y a une moyenne d’âge ciblée de 13 à 17 ans. On retrouve des latinos, des haïtiens, des canadiens. L’aspect multiculturaliste est très développé au sein du groupe.
Q. Les parents, ont-ils eu leur mot à dire concernant l’insertion de leur enfant dans le programme ?
R. Il va sans dire que cela prend l’approbation des parents. Quant à leur coopération, ils voient d’un bon œil la collaboration de plusieurs institutions en l’occurrence le Corps de Police. Cela les sécurise. Tous les parents sont soucieux de la sécurité de leurs enfants. Et quand ils sont informés que l’on dispose d’une assurance de responsabilité civile d’un million de dollars prévue en cas d’accident, c’est un autre facteur favorable qui rentre en jeu. En tout cas, la relation actuelle entre les jeunes et la Police rassure les parents.
Du point de vue support, j’espérais une plus grande participation des parents. Il est bien connu que le soutien des parents aide à la valorisation des jeunes dans leur activité. Mais comme sociologue, je demeure objectif tout en ayant un œil critique sur la situation des parents monoparentaux en particulier. - Avez-vous une solution pour encourager les jeunes dans leur démarche personnelle ? - Ce n’est pas pour rien que le Club s’appelle CLUB ESPOIR. Et le nom est bien pensé. Sur le plan sportif, quand un jeune a du talent, on le nomme ATHLÈTE ESPOIR. C’est également pour leur signifier qu’on croit en leur immense possibilité. En somme, ne représentent-ils pas la relève ! C’est à travers les galas, les trophées qu’ils vont se sentir valorisés. Sur le plan personnel, cela peut rehausser l’estime de soi. Socialement, on peut espérer un regroupement plus positif.
Q. Vous êtes sociologue, policier et à la fois boxeur. Ce sont tous de postes d’autorité, du moins qui exigent une force de caractère manifeste. Êtes-vous du genre à déléguer, je veux dire, laisser libre choix à la créativité des jeunes ?
R. Les meilleurs boxeurs du monde sont ceux qui font preuve de créativité, qui savent deviner le jeu de l’adversaire, explorer, développer des stratégies de combats. Mais surtout, à la base qui sait s’amuser.
Q. Le patrouilleur de rue, Harry Delva, a déjà déploré le fait que les intervenants du quartier Saint-Michel disposent de peu de moyens pour contrer le phénomène des gangs. Car « Les gangs sont de plus en plus riches ». Quelle est l’espérance de vie de votre programme ?
R. Je demeure très optimisme face au projet. Car nous avons du financement pour le maintenir. Étant donné qu’on est en partenariat avec un groupement d’organismes, il faut penser à une planification plus laborieuse. Le programme a fait relâche durant la saison estivale pour des raisons administratives plutôt complexes. Avant de prendre une décision finale, tous les membres doivent être consultés.
Q. Une dernière question Agent Guercy. Le rapport entre les citoyens et les autorités policières n’a jamais été aussi harmonieux, alors que tout indique que le niveau de contrevenance ne cesse de progresser. Comment expliquez-vous cette situation ?
R. La police évolue avec la société. Le rôle de la police est de maintenir l’ordre de la façon la plus pacifique possible. Cela ne veut pas dire que le pouvoir cœrcitif ne s’appliquera pas au moment opportun.
- Je vous remercie, Agent Guercy,
- Cela a été un plaisir de vous accorder l’entrevue, madame Domond.