Mise à jour le 26 septembre
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Mardi 08 octobre 2024 15:10 (Paris)

Cinéma : LE CHAUFFEUR

Le réalisateur Jean-Claude Bourjolly indique la trajectoire d’un jeune adulte dans son tout nouveau moyen métrage : LE CHAUFFEUR

Par Marie Flore Domond

La plupart du temps, ceux qui ne savent pas conduire indiquent souvent le chemin au conducteur lorsqu’ils prennent place à ses côtés. Cette attitude de l’accompagnateur rend évidement le guide bien nerveux. Bourjolly, lui, fait office de pilote de son second film après avoir conduit Sonson, son premier drame social de main de maître. Cette fois, le réalisateur nous révèle un univers inquiétant, avec des personnages menaçants par leurs actes intimidants.

L’innocence est très belle vertu. C’est en décomposition qu’on la retrace dans les films de Bourjolly. On reconnaît là, la marque des réalisations d’un auteur audacieux. Au début du mois de janvier, le Journal de Montréal avait mené une enquête pourtant sur les rapports entre les Baby-boomers et les générations X et Y. En grande manchette on pouvait lire l’opinion des aînés à l’endroit des jeunes d’aujourd’hui : « Ils sont irrespectueux, égoïste, individualiste et n’ont aucun sens des valeurs. » Beaucoup de gens ont acquiescé ces commentaires sur le plan idéologique.

Du point de vue pratique, Bourjolly vient d’enfoncer son objectif dans le cœur de ce déséquilibre contemporain afin d’en crever l’abcès de perception.

Suite à la projection du film, je lui ai posé la question suivante : Monsieur Bourjolly, vous considérez-vous comme un révolutionnaire d’actions individuelles ou collectives ?

Il a répondu hâtivement ceci. - Oui, je suis révolutionnaire sur les deux niveaux. Car beaucoup de choses me dérangent dans la société où j’évolue. Et ce que je n’ose pas ou que je n’ai pas l’opportunité de dire en ma voix personnelle, je le dirai définitivement au moyen des images. Dès lors, l’impact prend une dimension plus large. Une chose est sûre, d’une façon ou d’une autre, je m’assume. A la sortie du film lors du Festival International des Films Haïtiens de Montréal en 2007, j’ai été pour ainsi dire dilapidé de critiques sur l’orientation tant physique que psychologique de mes personnages. Je respecte profondément l’avis du public. Cependant, je ne peux pas me plier aux quatre volontés des spectateurs. Ce n’est pas le rôle d’un créateur. Je vous le dis, le cinéma haïtien est confronté à un problème où les réalisateurs ont tendance à suivre le courant de l’opinion du grand public. C’est comme si on obéissait à la pression de créer sur commande...

Avez-vous d’autres projets de films en ce moment ?

- Le scénario de la suite de Sonson est fin prêt. Et j’ai effectivement d’autres projets en tête.

Toujours sur le même élan de l’entretien, je lui ai fait cette remarque. N’est-ce pas pousser le bouchon un peu loin dans la fracassante scène d’une femme qui projette de faire carrément le trafic sexuel, le commerce de son concubin sans même lui demander son avis en violant l’aspect sacré du lit conjugal !

– A mon avis, c’est de préférence la proportion de la révolution féminine qu’on devrait questionner. Ici autant qu’ailleurs, la gent féminine prend des mesures draconiennes pour faire changer les choses en sa faveur. L’objectif n’est que témoin de cet état de chose. Dans cette fameuse scène dont vous faites mention, la complice de l’antagoniste est justement un personnage provenant de la diaspora qui vient d’écoper une peine sévère de prison pour détournement mineur. Voyez-vous, le lien d’influence est là. Je n’invente rien.

Une autre observation monsieur Bourjolly. Vos protagonistes féminines ont de plus en plus du vent dans les voiles. Elles font preuve d’une grande autorité au foyer autant que dans d’autres sphères de la société. Stéréotypement parlant, on sait que l’homme a toujours eu tendance d’entretenir une ou plusieurs liaisons clandestines cloisonnées dans le périmètre de sa vie conjugale légitime. Non seulement vous renversez la vapeur, mais vous semblez banaliser la disposition que prend la femme à traverser les clôtures autant qu’elle peut et quand elle veut. Comment doit-on interpréter cette liberté d’expression que jouissent vos créatures ?

– La femme prend sa revanche comme elle veut et comme elle peut. C’est vous qui l’interprétez ainsi. D’autres personnes pourraient le concevoir d’une toute autre manière.

Pardonnez ma curiosité monsieur Bourjolly. L’histoire met en relief le fait vécu d’un écrivain qui a publié son récit. Et c’est à travers la lecture de l’ouvrage par un des personnages principaux que l’on découvre les faits. Vous procédez en une sorte de relais mais en images. Vous aimez jouer le rôle de reporter, puisque vous avez utilisé sensiblement la même technique pour le film Sonson !

– Que voulez-vous… C’est ma signature.

Une dernière question avant de vous libérer monsieur Bourjolly. Vous avez un personnage fétiche qui chemine avec vous, l’écrivain. Si je ne m’abuse, il s’appelle Wilson Jean-Michel de son vrai nom ?

– Il est vrai que le choix d’un acteur peut avoir un impact soit positif ou négatif sur la réalisation pour plusieurs raisons. Vous avez tout à fait raison. C’est un réel plaisir de travailler avec lui. Et si je pouvais le mettre dans tous mes films, je le ferai sans hésitation.

Ceux qui voudront avoir des détails plus croustillants de la réalisation pourront surveiller les prochaines projections ou attendre sa sortie en DVD. En attendant voici une des grandes lignes. C’est à un point précis que prend sens le récit du réalisateur. Lorsqu’on entend les dernières volontés d’une mère dans la quarantaine en pleine lucidité avant son trépas. Ce qui pourrait expliquer que selon la position du réalisateur, la disparition du protagoniste en question ne serait pas une fin en soi, mais une transmission de valeur traditionnelle, un relais d’engagement social d’une génération à une autre. Bravo monsieur le réalisateur de nous avoir fait vivre ce beau rituel.

Je vous remercie monsieur Bourjolly.

- Pas de quoi, madame Domond




BÔ KAY NOU


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