Des Chansons secrètes (1933) en passant par Un Noel pour Gorée (1980) jusqu’au Sculpture de proue (1983), le poète s’est approprié de la plus haute fange magique, de l’extrême fidélité à l’écriture en tant qu’outil désormais utile à la survivance et à l’option de la vie, du métier de vivre. Bien avant Césaire ou Neruda, Jean Brierre était déjà l’homme des gens de rue et de couleur, de ces âmes noires garrottées par le temps, expédiées aux confins des ténèbres de l’Histoire. On pourrait bien se permettre de juger aujourd’hui de l’effet répressif de son œuvre sur l’ensemble des revendications du siècle dernier.
Le poète qui est né des hommes et des femmes d’Haïti, soulève et a soulevé une interrogation, des interrogations relevant de l’humanité entière. L’Homme Noir ou l’Homme tout court fut l’expression même du questionnement éligible du poète vis-à-vis des souveraines revendications des opprimés. Le poète est la célébration vraie d’une embrassade littéraire qui donnerait des ailes à toute offensive poétique. Son poème Black Soul (1947), la première pièce maîtresse identifiant le poète, était et est un chant, une histoire à raconter dans les champs, une mélopée d’amour remplie d’empathie et de compassions.
Il fut publié en 1947 à La Havane ; en cette année 2010, il faudrait donc lui (le poème ou le poète) allumer des bougies. Ces vers qui ont vu le jour à Port-au-Prince, sont encore lus dans toutes les Universités noires de l’hémisphère et sont un phénomène mondial qui dépasse le simple cadre des revendications pour l’Afrique ou l’Amérique des humiliés.
« La volupté qui tangue aux courbes de vos hanches,
Le rire éclaboussant de gaieté les dents blanches
Le chant évanoui sur un rythme émouvant,
La détresse pleurée au cœur des instruments ;
Sur huit notes la noire Afrique profilée ;
Les cris perçants du jazz qu’étouffent les foulées
D’un peuple blanc qui hurle au lynchage d’un Noir ;
Le fox-trot, travesti racial d’un désespoir… »
A suivre.......