Mise à jour le 18 décembre
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Papi Djo (1921-2011) : il a invité le diable à l’église

Les tambours de Papi Djo ne résonneront plus. L’écrivain, musicien et homme d’église haïtien est décédé le 23 septembre à Montréal. Il avait 90 ans.

Né Joseph Augustin en 1921, Papi Djo fut ce qu’on pourrait appeler un « révolutionnaire culturel ». En plus d’avoir introduit le tambour et le chant créole dans l’église haïtienne en 1963, on lui doit plusieurs écrits polémiques sur la mystique vaudou.

« C’était un rebelle, affirme le pasteur Jean Fils-Aimé, qui se considère comme son héritier spirituel. Sa thèse, c’était que l’Haïtien n’avait pas à renoncer au vaudou pour être chrétien. Il a osé dire que les deux religions n’étaient pas incompatibles... »

L’idée de « créoliser » la liturgie haïtienne n’était pas nouvelle. Les années 60 ont été pour plusieurs pays « nègres », le temps de l’indépendance, de la décolonisation et de la réappropriation culturelle.

C’est dans ce contexte que le père Joseph Augustin, alors curé à Cap-Haïtien, s’est mis en tête d’introduire des rythmes et des chants typiquement haïtiens dans les messes catholiques.

Évidemment, le clergé haïtien n’a pas apprécié l’expérience. Passait encore pour le créole : c’était l’époque de Vatican II et du rejet des messes en latin. Mais le tambour, lui, était toujours perçu comme l’instrument fétiche des cérémonies vaudou. Autant dire qu’on invitait le diable à l’église !

Mais le peuple, lui, était favorable à l’introduction de ces rythmes primitifs. Après trois siècles de liturgie à l’européenne, il pouvait enfin s’entendre. « On aurait pu le voir comme de la provocation, mais c’est le contraire qui est arrivé, raconte le percussionniste George Rodriguez, qui accompagnait Papi Djo à l’époque. Ç’a attiré les gens. Partout où on allait, il y avait du monde. »

« C’était un bon coup de marketing, ajoute Jean Fils-Aimé. Avec l’arrivée du tambour, la masse s’est sentie plus interpellée par l’Église. Soudainement, elle se sentait une appartenance... »

Une influence politique

Devenu un véritable missionnaire de la messe en créole, Papi Djo parcourt le pays pour propager sa bonne nouvelle. Mais à la fin des années 60, il quitte Haïti pour Montréal, où il s’installe après s’être marié et être revenu à la laïcité.

Dans les années 70, il enseigne la morale et participe à la création d’un nouveau groupe de musique folklorique haïtienne, Mapou Ginen. Puis en 1979, il retourne en Haïti, où il devient animateur à Radio-Soleil, une station à vocation religieuse qui participera par la bande à la chute de Duvalier. « Les répressions, les exécutions sommaires, je sais qu’il en parlait en ondes », raconte son fils Jean-Guy Augustin.

Son influence politique ne s’arrêtera pas là. Selon Jean Fils-Aimé, c’est sous « l’inspiration indirecte » de Papi Djo, que le président haïtien Jean-Bertrand Aristide a fini par reconnaître le vaudou comme religion officielle, en 2003.

Pour certains, Papi Djo est peut-être allé trop loin dans sa tentative de réconcilier deux mondes a priori incompatibles. En Haïti, comme à Montréal, ses thèses ne font d’ailleurs toujours pas l’unanimité. Mais il reste une référence et un pionnier.

Jean-Christophe Laurence
Diplômé en ethnologie, Jean-Christophe Laurence travaille à La Presse depuis la fin du 20e siècle. Il a travaillé pour le cahier Arts et Spectacles, et couvre aujourd’hui les tendances, la société et le Montréal multiculturel pour le Cahier Actuel.




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