Les quelque 20 avocats de la défense ont affirmé dans leurs arguments finaux que les policiers qui sont entrés dans la prison des Cayes après le tremblement de terre de janvier 2010 ne l’avaient fait que pour rétablir l’ordre. Les avocats ont fait valoir que les prisonniers s’étaient tués entre eux.
L’avocat Pierre Thomas St. Fort a affirmé que les accusés étaient de simples fonctionnaires qui tentaient de faire leur travail dans des circonstances difficiles. Il a demandé aux policiers de se lever un par un devant la cour.
« Regardez ces hommes, ces fonctionnaires », a-t-il dit. « Ils répondaient à l’ordre d’entrer dans la prison et ils ont fait leur travail. »
Vingt et un autres policiers accusés dans cette affaire sont jugés en leur absence parce qu’ils se sont enfuis et restent introuvables.
Ils sont tous accusés d’avoir tué au moins 10 prisonniers aux Cayes, dans le sud d’Haïti, bien que la police des Nations unies pense que d’autres corps pourraient avoir été retirés de la prison à l’insu des autorités.
Des dizaines de prisonniers ont été blessés durant l’émeute, qui a commencé quand plus de 400 détenus ont tenté de s’évader parce qu’ils craignaient les répliques sismiques dans la prison surpeuplée.
Le procureur Jean-Marie Salomon a estimé que rendre la police responsable de cet incident serait bénéfique pour la défense des droits de la personne en Haïti.
« Ce procès est historique », a dit Me Salomon. « C’est la première fois qu’aux Cayes, nous tenons nos policiers responsables de leurs abus. Ce qui sera décidé sera un exemple pour ceux qui veulent savoir comment nous respectons nos citoyens. »
Le juge Ezekiel Vaval a indiqué mercredi qu’il se rendrait à New York pour rédiger son verdict, qui sera annoncé en janvier.
Il a expliqué qu’il quittait Haïti pour sa propre sécurité parce que sa famille et lui ont reçu des appels téléphoniques menaçants au début du procès, en octobre.
« Vous savez, en Haïti, n’importe qui peut payer un peu d’argent pour me faire tuer », a dit le juge lors d’une entrevue avec l’Associated Press la semaine dernière. « Mais je crois en Dieu. Je sais que je dois terminer ce procès et prendre une décision, et ce qui m’arrivera ensuite dépendra de Dieu. »
Les accusés sont passibles de la prison à vie s’ils sont reconnus coupables.
Le procès a attiré des centaines de personnes à la cour chaque jour, notamment Kesnel Cange, un menuisier âgé de 51 ans.
« J’ai mis ce procès à mon horaire chaque jour », a-t-il dit. « C’est notre divertissement. C’est comme regarder une émission de télévision : tout le monde a son personnage préféré. Les gens qui sont du côté de la poursuite applaudissent quand les procureurs parlent. Quand la défense dit quelque chose, les partisans applaudissent. »
C’est le premier procès du genre à se tenir aux Cayes, mais ce n’était pas la première émeute dans une prison haïtienne à se terminer dans un bain de sang.
Lors d’une émeute au pénitencier de Port-au-Prince en 2004, la police aurait ouvert le feu et tué aux moins 10 détenus. L’ONU a produit un rapport sur l’incident, mais le gouvernement haïtien de l’époque s’est opposé à sa publication et il n’a jamais été diffusé. Aucun policier n’a été accusé dans cette affaire.
Source : Caraïbes FM