La question de la personnalité idéale pour le poste de Premier Ministre n’est que l’arbre qui cache la forêt de nos détestations politiques. Derrière le refus de la candidature de Daniel Rouzier, il y a eu non seulement les maladresses de la nouvelle équipe présidentielle, encore dans les vapes du récent succès électoral, mais aussi les vieux démons de la méfiance de « classe », la tentation « totalitaire » qui est la maladie infantile de nos « chefs » à quelque branche du pouvoir qu’ ils appartiennent.
Il se trouve que l’échec de Rouzier a rendu plus intransigeants certains parlementaires, qui jouissent publiquement de leur triomphe et qui se préparent à exercer encore et … encore leur arsenal constitutionnel, pour montrer qui détient le pouvoir réel. Rien de pire que le sentiment de puissance, la sensation que rien ne peut vous résister, le délire de pouvoir légalement en imposer aux autres.
La constitution donne aux pères conscrits d’importants pouvoirs qu’ils doivent gérer avec sagesse et modération dans l’intérêt national. Ils ont à leur disposition de la provision constitutionnelle pour bloquer pour encore longtemps la désignation d’un nouveau premier ministre. Ils peuvent pour longtemps encore faire le siège du nouveau pouvoir et amener le nouveau chef d’Etat à Canaussa. Mais cela risque d’être une victoire à la Pyrrhus. Sous les décombres de nos institutions et les lambeaux écarlates d’un peuple qui a déjà rendez-vous avec d’autres cataclysmes naturels.
Du coté du nouveau pouvoir, si certains dans l’opinion apprécient le nouveau dynamisme présidentiel, le souffle tonique qu’il semble vouloir insuffler à la gestion trop longtemps comateuse de l’Etat, on craint aussi une attitude de lion en cage, tournant sur lui-même et incapable de trouver la bonne mesure pour parler aux autres secteurs de l’opposition qui ont un rôle critique et fondamental à jouer dans la démocratie que nous voulons créer.
Or le mal haïtien réside dans le refus de l’union qui fait la force qui figure pourtant en bonne place dans nos armoiries mais qui n’a jamais connu un début d’application. Dans le refus de transcender nos différends pour tenter de trouver le minimum acceptable et vivable entre filles et fils d’une même nation. Le destin de Monsieur Bernard Gousse semble tout tracé, il ne fera peut-être pas long feu. Mais depuis quelques jours que je l’entends à la radio, il a des paroles d’homme d’Etat qui nous interpelle sur les valeurs profondes de paix et de fraternité. Au nom d’une trêve qui nous permettrait de recoudre le tissu social, dans le cadre faut-il encore l’écrire sans paraitre ringard, d’un dialogue national ou d’un « contrat social » ou pacte de gouvernabilité.
Toute chose qui nous ferait mettre au placard nos vielles rancœurs issues des périodes traumatisantes de notre Histoire pour contempler l’avenir et réconcilier ce peuple avec son destin de grandeur.