Le professeur Victor Benoit, figure historique de la Fusion, réclame carrément l’organisation d’élections dans le pays « au cours du premier trimestre de l’année 2012 ». Ces élections devraient avoir lieu en novembre 2011. Monsieur Benoit croit donc qu’un compromis politique est désormais nécessaire pour décider des prochaines élections. « Le président de la République doit convoquer sans délai toutes les forces politiques du pays en vue d’adopter une résolution commune sur la question électorale », propose l’ancien président de la Fusion.
Ce parti, le premier à réclamer l’organisation des élections, est membre de la plateforme Alternative dont le destin est aujourd’hui remis en cause. Les deux principales entités qui la composent sont divisées sur le comportement à adopter par les parlementaires élus sous leur bannière. Le coordonnateur de l’Organisation du peuple (OPL), Sauveur Pierre Etienne, dénonce son homologue de la Fusion, la sénatrice Edmonde Supplice Beauzile, qui a participé à une réunion au Palais national le 22 novembre dernier, quelques heures seulement avant une séance d’interpellation au Sénat.
Pourtant, à en croire Victor Benoit, l’Alternative va rester soudée pour participer aux prochaines élections. « Nous autres au niveau de la Fusion, nous sommes jusqu’ici restés attachés à la formule unitaire et croyons qu’aucun parti n’a intérêt à faire cavalier seul », nous confie le professeur. À son avis, les responsables de partis formant la plateforme doivent se montrer suffisamment « sereins et sages » pour faire de l’Alternative une grande force politique nationale.
Sénateurs jusqu’à mai !
L’Alternative compte aujourd’hui six représentants au Grand Corps, dont certains sont directement concernés par les prochaines élections. C’est le cas pour la présidente actuelle de la Fusion, Edmonde Supplice Beauzile, dont le mandat de six ans est arrivé à terme. Mais en lançant son grand plaidoyer en faveur de la tenue des élections, le professeur Benoit admet n’être pas sûr que tous les sénateurs entendront son cri. « Les parlementaires sont des citoyens à part entière, ils peuvent avoir leurs propres vision et stratégie autour des prochaines élections, mais je suis sûr que tous ceux qui sont candidats à leur succession devront se montrer intéressés. »
Si les élections s’étaient tenues en novembre, les sénateurs auraient accepté de perdre quelques mois de leur mandat en laissant le Parlement à la date prévue par la Constitution, même s’ils n’y étaient pas entrés à la date réglementaire. Élus en mai 2006, ces sénateurs s’étaient mis d’accord pour laisser le Sénat dès la session de janvier 2012 qui accueillerait de nouveaux pères conscrits élus en novembre 2011. Mais une loi, chère à ces sénateurs, a été prise pour dire « qu’au cas où les élections sénatoriales n’auraient pas lieu à la date constitutionnelle, les sénateurs resteront en fonction jusqu’à mai 2012 ». Le sénateur Annacacis Jean Hector, content de pouvoir évoquer une telle disposition légale, souligne que « c’est par prudence que les pères conscrits ont pris une telle loi et l’histoire leur donne aujourd’hui raison, la stratégie a porté fruit ».
Rappelant qu’une fois la caducité du Parlement a été constatée en raison de l’expiration du mandat de ses membres, le troisième sénateur de l’Ouest se dit fier de ses collègues qui ont voté cette loi en faveur de « tous les élus » de 2006. Le président René Préval en avait joui lui aussi en laissant le pouvoir en mai 2011 au lieu de passer l’écharpe en février, comme le prévoit la Constitution. « Nous sommes là jusqu’au 9 mai 2012 », clame le sénateur Annacacis, fier de cette loi vue par certains comme « une prolongation de mandat ».
Avec quel CEP ?
Et si jusqu’à mai 2012 les élections ne sont toujours pas organisées ? À cela on n’ose pas penser. Le Sénat serait dysfonctionnel, avec toutes les autres conséquences d’un tel état de fait. Youry Latortue, troisième sénateur de l’Artibonite, croit donc que l’exécutif doit « le plus vite possible » lancer la machine électorale. Mais avec quel Conseil électoral ? Le sénateur Latortue rappelle qu’un rapport d’enquête sénatoriale réclame des poursuites contre les membres de l’actuel Conseil électoral.
Tout comme Victor Benoit, Youry Latortue réclame un nouveau Conseil électoral « provisoire ». Le professeur Benoit va jusqu’à souhaiter que ce soit « notre dernier Conseil électoral provisoire avant de passer au Conseil permanent », prévu depuis vingt-quatre ans par la Constitution.
La composition du Parlement a jusqu’ici donné du fil à retordre à la présidence, même si cette dernière semble trouver de plus en plus une manière de faire taire les grands ténors. Mais paradoxalement ces derniers, à commencer par le président du Grand Corps, Rodolphe Joazile, sont pour la plupart en fin de mandat. La présidence appuiera-t-elle leur nouvelle candidature ? Ou mieux, Martelly, avec son éventuel consortium Tèt Kale / Repons peyizan, présentera-t-il ses propres candidats pour remplir les dix sièges vacants au Grand Corps ?
À mesure que les élections sont reportées, le Président et son équipe ont plus de temps pour réfléchir. S’il faut prendre ses adversaires à l’improviste, ils pourront peut-être placer subitement un rendez-vous surprise, des élections « brit sou kou ». Mais force est déjà de constater que le silence de M. Martelly sur la question électorale aussi bien que le retard observé sont tout simplement stratégiques.
Eddy Laguerre
Source : Le Matin