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Ankh revendique Firmin pour soutenir l’Egypte nègre

Tandis que la Société capoise d’histoire et de protection du patrimoine et la Société haïtienne d’Histoire, de géologie et de géographie Firminviennent de lancer en partenariat avec l’Université Quisqueya un colloque pour commémorer le centenaire de l’éminent homme politique et essayiste haïtien, Anténor Firmin, revenons aujourd’hui sur un travail intéressant, un hommage rendu en 2008, par l’une des plus grandes revues scientifiques égyptiennes, Ankh, qui présente Firmin – considéré en effet comme un panafricaniste par choix politique – comme l’égyptologue haïtien par excellence.

Par Jean Emmanuel Jacquet

Comme cadre figure dans la représentation de l’oeuvre de Firmin, la revue a considéré son essai d’anthropologie positive « De l’égalité des races humaines » comme l’ouvrage majeur du 19e siècle. Le travail est réalisé par l’égyptologue, linguiste et historien congolais Théophile Mwené Ndzalé Obenga. Il met l’emphase sur la dimension anatomique de l’oeuvre qui tend à décrire les races en présentant « les caractéristiques extérieures des êtres humains, leur classement en races différentes et des jugements de valeur sur la supériorité ou l’infériorité de telle ou telle race humaine ».

Pour l’auteur congolais, toutes ces études autour de l’infériorité de la race noire édictée par la science anthropologique occidentale évoquent une question fondamentale : « la question de l’Egypte pharaonique ». Théophile Obenga souligne en effet que les recherches ont mal catégorisé cette Egypte nouvelle. « Africanistes, orientalistes, océanistes, américanistes (spécialistes des "tribus" primitives natives du continent américain), tous, sans aucune exception, ont placé l’Égypte au Proche-Orient, donc en Asie antérieure, ou en Méditerranée orientale, et non sur le continent africain des races noires inférieures ».

L’historien, dans son étude, relève des cas flagrants d’interventions à ce sujet, qui vont, certaines, à l’encontre de la démarche firministe contre les théories racistes de l’Anthropologie physique. De Hegel en 1831 jusqu’au Colloque international du Caire en 1974, les théories parfois se singularisent. En 1831, Hegel déclare depuis Berlin : « aber es ist nicht dem afrikanischen Geiste zugehorig » (l’Egypte pharaonique ne fait pas partie de l’univers culturel négro-africain). En 1885, Anténor Firmin affirme que « l’Egypte ancienne est africaine, nègre, par la géographie, la race, la culture, l’esprit, les valeurs, la royauté sacrée et divine, l’esthétique, la linguistique ».

Plus loin, le professeur Obenga reprend les propos de l’historien et anthropologue sénégalais Cheikh Anta Diop qui, en 1954, à travers son traité intitulé « Nations nègres et Culture », corrobore que « les pédagogies africaines contemporaines ont pour paradigme l’Egypte antique ». Comportement renforcé en 1956 par l’égyptologue français Jean Leclant qui confie à la Société française d’Egyptologie que « le fond de la culture égyptienne, en ses plus hautes phases, apparaît essentiellement africain ».

Aujourd’hui, par ce colloque sur Firmin en Haïti, pour célébrer le centenaire de la mort de cet intellectuel et homme d’état, et pour « reconstituer Firmin à la conscience nationale » pour répéter le professeur Cary Hector, coordonateur scientifique de l’évènement, les organisateurs entendent-elles aussi défier – comme l’a souligné Obenga, à propos du Colloque international du Caire, en 1974 – « les thèses racistes de Hegel et de toutes les écoles anthropologiques eurocentristes à la base d’idéologie raciste » ?

La démarche des historiens haïtiens est peut-être convaincante, puisqu’elle entend détailler la nouvelle perception de la vie et l’oeuvre d’Anténor Firmin qui – comme le souligne Jacques Edouard Alexis, représentant de l’Université Quisqueya, partenaire de l’évènement – « est un homme de développement, un diplomate ». Mais, dans cette relecture de la revue d’égyptologie et de civilisations africaines, Ankh, la dimension donnée à Firmin semble aller plus au-delà des frontières strictement politiques, anthropologiques ou anatomiques.

La contenance intuitive de la réflexion firministe et ses arguments sont remarquables. Selon le professeur Obenga, « Firmin connait, dans leur langue d’origine, les travaux des plus grands égyptologues de son temps… La grammaire égyptienne (posthume) de Champollion est connue d’Anténor Firmin qui la cite ».

Dans le paragraphe intitulé « Anténor Firmin et sa connaissance d’Egypte », l’auteur cite certains éléments parus dans l’essai « De l’égalité des races humaines » qui constituent clairement la maitrise par Firmin des détails de la civilisation égyptienne : [… La graphie d’Anténor Firmin, Râ-mes-sou, est très correcte pour ce nom qui signifie : "Rā l’a façonné", "Rā l’a mis au monde"… / Tout le monde écrit Chephren ou Khafre, Khafrê, alors que la transcription exacte est donnée par Anténor Firmin : Khā-f-Rā, Khā-ef-Rā, "Il apparaît en gloire (comme) Rā." …/ On écrit un peu partout Ahmose, Ahmosis alors que la bonne transcription est celle d’Anténor Firmin : Iāhms, Iāh-mes, Ah-mes, nom qui signifie : "Né de la Lune"…].

La reconstitution de la mémoire d’Anténor Firmin est-elle une occasion de revisiter la dimension internationale de son oeuvre, et la nouvelle perception du monde qu’elle offre aux peuples. Cette relecture de la revue Ankh nous porte à recevoir Firmin comme un auteur moderne, tant son oeuvre est actuelle. Comme il a cette connaissance de l’Egypte, c’est autant l’actualité de ses propos nous permettent de regarder la Grèce, de comprendre l’Amérique et de nous situer par rapport aux autres « races ».

Cet article commenté, de Théophile Mwené Ndzalé Obenga, est tiré de son ouvrage paru chez L’Harmattan, en 1993, « Origine commune de l’Égyptien ancien, du copte et des langues négro-africaines moderne. Introduction à la linguistique historique africaine ». Il corrobore son argumentaire sur le traité d’anthropologie positive de Firmin « De l’inégalité des races humaines », par cette conclusion : « L’ouvrage d’Anténor Firmin est très riche en matière d’égyptologie, de linguistique générale africaine, de civilisation matérielle,d’étude des monuments égyptiens, d’examen de la flore et de la faune pharaoniques, des légendes d’Osiris, d’Isis, de Seth et d’Horus (qu’il écrit avec raison Hor, égyptien ¡r), de parenté culturelle, raciale et linguistique de l’Égypte pharaonique avec le reste de l’Afrique noire : c’est la grande unité culturelle de l’Afrique noire, alors thématisée par Cheikh Anta Diop dans les années 1960 ».
jacquetvre@yahoo.fr




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