Il y a longtemps que des médias des deux côtés de la frontière relayant des organisations des droits de l’homme soulignent les dangers d’une situation pourrie et que les deux Etas doivent prendre avec le plus grand sérieux. Ce crime odieux avait été « chorégraphié » dans une vidéo circulant sur Internet et dont l’authentification n’a jamais été établie. Notre pays ne disposant pas d’expertise en la matière, on s’est fié au « professionnalisme »des services de sécurité dominicains qui ont affirmé qu’il s’agissait d’un montage. Et l’enquête s’est poursuivie sans grand résultat…Et le pire est arrivé.
Un pire qui prend la forme d’un déni flagrant d’humanité qui jette du sang à la face de nos deux peuples et constitue une odieuse provocation. Ce crime doit être puni avec rigueur, dans l’intérêt même des amis dominicains, parce qu’il traine dans la boue l’image internationale d’une république voisine soucieuse de sa réputation. Or, ce serait tombé dans le piège sanglant de la tourbe meurtrière que de réduire les relations certes complexes de nos deux peuples à cette sombre histoire.
Les coupables quels qu’ils soient doivent subir les rigueurs de la loi, encore faut-il que les responsabilités soient établies. Aucune justice qui se respecte ne peut tolérer des formes de vendetta comme cette exécution sommaire au vu et au su de tout le monde qui aurait été réalisé en représailles à la décapitation d’un dominicain…le responsable doit être retrouvé et puni si tout cela ne relève de la provocation ou de la rumeur.
De chaque côté de la frontière, nous devons prendre nos responsabilités et arrêter le glissement vers l’irréparable, appelons les choses par leur nom, un « nettoyage ethnique » même à échelle réduite ou quelques radicaux tolérés par un certain laxisme des organes de sécurité dominicains voudront à tout prix, « bouffer » du haïtien.
Il faut souligner clairement ici les risques de dérapage, la scène sanglante sur cette désormais « place du martyr » est un signal d’ensauvagement qui peut conduire aux pires dérives. Imaginer le moral des milliers d’Haïtiens vivant dans une insécurité rampante devant une telle dégradation de la situation ; ceux qui travaillent dans l’industrie de la construction à l’érection des magnifiques tours de Santo Domingo, celles qui jeunes filles au pair travaillent dans les maisons, ceux qui reviennent des champs d’agrumes ou de canne et qui attendent sur l’avenue Maximo Gomez un « derecho »ou une guagua pour rentrer dormir dans leurs bicoques, et qui sont souvent victimes de razzias aussi soudains que brutaux. Sans parler des milliers d’étudiants qui fréquentent avec honneur les centres universitaires de Santo Domingo ou de Santiago et qui se « tuent » à vivre normalement.
Il y avait déjà des signes annonciateurs de ce meurtre spectaculaire, des crimes à répétition d’Haïtiens, se déroulaient tranquillement dans les faubourgs des grandes villes loin des regards de la policia pourtant si présente en d’autres circonstances…le propriétaire d’un « Colmado », un grand bazar d’un quartier populaire, dans une poussée meurtrière et xénophobe, a un jour déclenché une chasse à l’Haïtien qui a fait de nombreuses victimes dont une laissée pour morte.
C’est surtout dans les quartiers populaires que se déroulent les règlements de compte qui ensanglantent les familles haïtiennes expatriées. Même si il n’est pas rare de s’entendre crier « maldito haitiano » lorsqu’on se promène dans un parc ou lors d’un incident de circulation.
La récession aidant, l’Haïtien deviendra de plus en plus un bouc-émissaire de la crise internationale, tandis que les tentatives désespérées d’aller « nan panyol » connaitront certainement une augmentation en raison de la situation de ce côté de l’ile Kiskeya.
C’est donc la quadrature du cercle, si nous ne hâtons pas de travailler à changer la vie dans notre pays, à normaliser nos institutions, à sortir du « nou lèd nou la », à arrêter de cultiver le déclin en pensant que tel reproche ou telle remarque touchant notre pays ne salit ou n’avilit que ceux qui le dirigent.
Tel dignitaire d’un pays voisin parle dans un excès de lyrisme que nous « serions la honte de la Caraïbe », des mafieux déguisés en justiciers avilissent le grand peuple dominicain en exécutant un Haïtien sur une place publique.
Allons-nous boire la coupe de sang jusqu’à la lie ? Ou allons-nous tenter enfin des actions responsables pour stopper l’hémorragie au propre comme au figuré.
Quand donc notre peuple terminera sa Pâque ?