Mise à jour le 26 septembre
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Mercredi 13 novembre 2024 04:20 (Paris)

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Le Temps des ruptures

« A petits pas de pluie de chenilles
A petits pas de gorgées de lait
A petits pas de roulement de billes
A petits pas de secousses sismiques
A grands pas de trouées de paroles dans un gosier de bègue
Orgasmes de pollutions saintes »

Aimé Césaire

A chaque fois que la négritude se met debout quelque part dans le monde, on pense à Haïti. Mais notre pays en raison des égarements de son histoire sert de repoussoir, d’exemple à ne pas suivre, instrumentalisé à souhait par des Gobineau aux petits pieds embusqués au 21e siècle.

Texte proposé par EDME Roody

Tant et si bien qu’on pourrait se demander si tout ce parcours chaotique n’avait pas été programmé pour servir de contre-exemple. Si toute l’histoire sanglante et contre-productive d’Haïti n’a pas été une partie de poker menteur jouée par quelques grands blancs et petits nègres de service en vue d’y arriver au naufrage d’un idéal de liberté et de dignité.

J’abandonne ici cette théorie des complots qui vaut ce qu’elle vaut, surtout si on refuse de suivre certains spécialistes outranciers de la simplification historique et leurs arguments miteux du nègre incapable de se diriger.

Il arrive que les événements actuels en Guadeloupe aient fait sortir de leur tanière quelques loups défenseurs de l’idéologie coloniale. Tel ce philosophe qui s’est livré sur France Inter à un amalgame de tous les diables accolant des étiquettes à chaque ile de la caraïbe : « Cuba, une dictature ; St Domingue, une ile à touristes ; Haïti, n’en parlons pas ; st Bart et St Kit, un sanctuaire de mafieux ».

Ce philosophe qui a sacrifié son cartésianisme sur l’autel de ses bas instincts idéologiques n’a pas hésité à brouiller toutes les pistes de l’histoire pour faire un seul paquet des « échecs post-coloniaux » dans une démonstration grandeur nature de la mentalité d’épicier de bas étage qui caractérise « la pensée de strapotin ».

Comme quoi mafia, injustice et dictature seraient des « produits » importés du Sud. Et les grands fauves de l’Histoire seraient nés sous nos « tristes tropiques », les prédateurs des peuples seraient venus du sud du Rio Grande.

C’est donc la vieille rengaine de la pensée suffisante d’un Occident qui n’a jamais renoncé aux clichés éculés du fardeau de l’homme blanc qui est repris aussi par un Alexis Brezet du Figaro magazine.

Une pensée de music hall qui n’est jamais sortie des vestiaires de l’exposition coloniale et qui nous est servie aujourd’hui avec arrogance et suffisance par des « corsaires » de la plume qui ont la nostalgie de leurs pères qui écumèrent les mers de la grande Caraïbe.

Ceux-là même dont la prose nauséeuse tente aujourd’hui encore de faire accroire que l’injustice est un moindre mal pour les enfants illégitimes de la grande famille occidentale.

Non, la liberté et l’égalité ne sont nullement négociables pour quelques euros…les droits de la personne sont inaliénables et aucun peuple ne saurait préférer un quelconque gavage dans les chaines en lieu et place de la liberté. Tant qu’existera l’exploitation de l’homme par l’homme, cette lutte pour la liberté ne connaitra de cesse et il se trouvera des femmes et des hommes pour conquérir de nouvelles indépendances.

Il ne peut exister d’être sans dignité, sans qualité de vie. Ceux qui s’étaient servi des échecs du communisme pour proclamer la fin de l’Histoire apprennent aujourd’hui à leurs dépens que certaines grandes soifs populaires dépassent les idéologies et les élites qui les instrumentalisent.

Les idéologies passent mais les besoins des peuples demeurent et la lutte continue en tenant compte des échecs du passé. Ceci est valable pour l’indépendance d’Haïti qui demeure un acte historique inaliénable, quelque soit par ailleurs le chaos qui s’en est suivi et que nous nous devons d’assumer et de corriger. Ce n’est pas parcequ’un peuple dans le chaos de sa révolte a fracassé son destin qu’il n’avait pas de raison valable pour se révolter.

Mais revenons à la situation en Guadeloupe, certains commentateurs vont vite en besogne…il ne s’agit nullement d’aspiration, du moins pour l’instant à l’indépendance.

Il s’agit de tout un peuple debout et qui réclame sa pleine insertion à la patrie des droits de l’Homme. Un peuple qui revendique son plein droit à la citoyenneté, d’être considéré comme des citoyens à part entière et non comme des citoyens entièrement à part.

Qui se demande tout simplement pourquoi l’eau minérale coute 42% plus cher qu’en métropole, pourquoi la plaquette de beurre est 93% plus cher à Pointe à Pitre qu’à Paris, sans parler de la boite d’haricots verts qui l’est à plus de 173%.

C’est le ministre français Yves Jego qui a récemment reconnu que les blancs créoles avaient mis l’économie en coupe réglée et que 1% de la population contrôlait 40% de l’économie et que le clan Huyot, grand Béké devant l’éternel, avait vu sa richesse passée en trois ans de 250 millions à 350 millions d’euros.

Vous me direz que dans certains pays indépendants de la région, il y a pire, mais cela ne délégitime pas la révolte ailleurs comme ici. La lutte contre l’injustice n’a que faire du statut particulier d’un pays. Injustices, abus, monopoles, ne sont justifiables sous aucune latitude : dans les ghettos de Harlem ou de Clichy sous bois, à cité Soleil ou à la cité de Dieu aux environs de Rio, c’est la même humanité souffrante et le même droit à la révolte.

Et le grand peuple de France de droite comme de gauche l’a compris en appuyant dans un récent sondage les revendications antillaises.

Lisez ; 67 % des personnes proches de la gauche et 89% de ceux proches de la droite et 68 % d’indépendants supportent leurs congénères antillais.

Elle est heureusement minoritaire cette pensée mesquine et chagrine qui depuis un certain confort parisien tape sur des peuples travaillés par la désespérance.




BÔ KAY NOU


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