Mise à jour le 26 septembre
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LA VIERGE NOIRE ET AUTRES CURIOSITÉS

La question de l’identité de la « Grande Mer », de la « Shekhinah », de la « Mer Suprême », de la «  Terre Céleste », renferme tout un mystère qui, selon l’ésotérisme hébreu , peut s’expliquer à l’aide du Zohar. (1) Cette grande « Sœur qui (était) avec Sara, avec Abraham, avec Isaac, avec Jacob, avec Moïse, avec David », et, pas trop longtemps, avec le Pape Jean-Paul II, n’a point de nom précis.

par Saint-John Kauss “pour Ahmed Ben Moktar

Si de deux hommes l’un prie le vrai Dieu sans sincérité personnelle, et l’autre prie une idole avec toute la passion de l’infini ; c’est le premier qui en réalité prie une idole, tandis que le second prie en réalité Dieu. »
(Kierkegaard)

Elle est plutôt «  la Nature, mère des choses, maîtresse de tous les éléments, origine du principe des siècles, divinité suprême, reine des mânes, première entre les habitants du ciel, type uniforme des dieux et des déesses. » (2) En Haïti, Marie, la Vierge, la Mère de Jésus, est identifiée par l’image à Erzulie (Dantor et Fréda) ou à d’autres divinités féminines du vaudou. (3-5) Et il en est de même pour plusieurs autres Saints (6-8) dont l’importance dans l’exercice du pouvoir divin serait comparable aux « loas » du vaudou. Moïse ou Damballah (6), Saint-Michel ou Ogou (7), Saint-Antoine ou Legba (8), ne représentent qu’un seul et même « esprit » dans l’imagerie de la mentalité haïtienne. Bien que ce syncrétisme ait provoqué , à une époque donnée (9), la « foudre » des hommes de l’Église catholique, il n’en demeure pas moins qu’un phénomène similaire, dans un temps beaucoup plus lointain, avait aussi précipité la mort du Christ par les Juifs et les Romains, par opposition au vrai Dieu. (10-11)

IDENTITÉ THÉOLOGIQUE DE LA VIERGE NOIRE

La vénération de la Vierge Noire en France, comme partout en Europe (12-15), est l’une des énigmes non élucidées au sein de l’Église catholique.

Dans de nombreuses autres villes d’Europe, le culte que lui porte les fidèles n’en est pas moins indéniable.

On lui désigne tous les vocables imaginaires depuis le XIVe siècle (document de 1312) parmi lesquels «  Notre-Dame la Noire, Notre-Dame la Brune, la Vierge Glorieuse, la Vierge Égyptienne, la Vierge au pilier, Notre-Dame-de-Sous-Terre, Mère de Dieu ».

Les Vierges Noires ont été et sont encore très populaires dans toute l’Europe et ce, dès le XIIe siècle. On en trouve tout particulièrement en France, notamment en Auvergne où trône l’une des plus célèbres, Notre-Dame du Puy.

Le culte de la Vierge Marie aurait-il autant de succès et d’attirance s’il n’était pas associé à différents cultes féminins venus du plus profond de l`histoire religieuse des hommes ?

La Vierge, surtout quand elle était noire, a tenu une place considérable dans la spiritualité chrétienne du Moyen-Age. (12-15)

Elle deviendra la Protectrice des Chevaliers du Temple (Les Templiers) , et, plus tard, celle de l’Ordre des Chevaliers Teutoniques.

Elle figurait sur les bannières des hommes de guerre aux fins de protection. Les grandes cathédrales gothiques étaient les temples de cette nouvelle déesse. (16)

Au XIIIe siècle, pas moins de quatre-vingt cathédrales dédiées à Notre-Dame et plus de cinq-cent églises, entre 1170 et 1270, seront édifiées à sa gloire, bâties pour la plupart sur des sites déjà consacrés à la Madone par la seule présence de sa statue le plus souvent noire et généralement de l’ère préchrétienne.

Ces statues, taillées délibérément dans des matières noires (de pierre ou d’ébène) , que disent les incrédules et sceptiques, sont plutôt associées à des cultes païens en l’honneur de divinités féminines.

La présence de ces Vierges Noires dans le monde, et surtout en Europe, est d’autant plus fantastique qu’elle pousse, au-delà des croyances, à se questionner et pose une énigme archéologique et historique passionnante.

Comment étaient-elles auparavant ?

Nul ne sait car aucun texte médiéval ne spécifie leur couleur. Sans doute, pour attirer davantage de pèlerins, plusieurs ont été peintes en noir entre le XVe et le XIXe siècle (…). Mais ces statues polychromes n’ont-elles pas elles-mêmes remplacé des statues noires, désapprouvées par l’Église ?

Car le mystère des origines reste entier. On a parlé de visages noircis par la fumée des cierges, d’oxydation des lamelles métalliques recouvrant le visage, de bois noirci par un long enfouissement dans l’eau. On a pensé à propos de vierges rapportées par les Croisés à l’image de certaines femmes rencontrées là-bas. On a évoqué une illustration de Cantique des Cantiques (Je suis noire et pourtant belle …). (…)

Une autre hypothèse fait de Marie le successeur des divinités noires qui régnaient sur le monde des morts, la plus connue étant Cybèle, mère des dieux grecs ramenée à Rome sous la forme d’une pierre noire. Le passé inconnu de ces Vierges Noires n’est pas sans leur ajouter un certain charme. (17)

La plupart de ces Vierges Noires ont causé, historiquement, beaucoup de soucis à l’Église catholique.

Par conséquent, depuis le XIXe siècle, plusieurs de ces Vierges Noires ont été remplacées par d’autres icônes plus conformes au dogme chrétien du modèle marial (14) , ou tout simplement repeintes.

Malgré tout, elles sont jusqu’à aujourd’hui l’objet de pèlerinages, et on leur accorde de grands pouvoirs de guérison, de fertilité et de fécondité.

Mais comment expliquer que « la Vierge Noire de Tindari aurait été retrouvée dans un coffret mystérieux échoué sur la plage. Celle de Loreto se serait brutalement matérialisée en mai 1291 dans une construction » ?

Des anecdotes miraculeuses que l’on écoute, en général, dans les Antilles et précisément en Haïti la Mecque américaine du vaudou : Des histoires de « pierre noire » retrouvée, d’enfant revenu sous l’eau, de résurrection des morts, de fabrication de « golem » (ou de bakas), etc.

Des vierges non chrétiennes ?

On estime à une quarantaine environ le nombre de Vierges Noires à être vénérées en Europe. Et les sites les plus visités sont Einsiedeln (Suisse) ; Rocamadour, Dijon, le Puy et Avioth (France) ; Orval au Luxembourg ; Loreto, Venise ou Rome (Italie).

A)Vierges Noires Romanes Célèbres

La Vierge Noire de la Cathédrale de Chartres
La Vierge Noire de Notre-Dame du Puy en Velay
La Vierge Noire de Vézelay
La Vierge Noire de Toulouse
La Vierge Noire de Rocamadour
La Vierge Noire de Lenne
La Vierge Noire de Montserrat (en Catalogne, Espagne)
La Vierge Noire de Dijon
La Vierge Noire de Notre-Dame de Liesse (France, Picardie)
La Vierge Noire de la Basilique de Hal (Belgique)
La Vierge Noire de la Basilique Notre-Dame de la Délivrance à Douvres- la- Délivrance (Calvados), France
La Vierge Noire de la Cathédrale de Laon (Aisne), France
La Vierge Noire de Tindari (Italie)
La Vierge Noire d’Oropa, Piémont
La Vierge Noire de Crotone

B)Autres Vierges Noires

La Vierge Noire de Czestochowa, Pologne
La Vierge Noire du Havre (Seine-Maritime)
La Vierge Noire d’Esch-sur-Sûre, Luxembourg
La Vierge Noire du Camp d’Idron (Pau)
La Vierge Noire de Notre-Dame d’Afrique, Alger, Algérie
La Vierge Noire Onze-Lieve-Vrouw van Regula (Moeder van Regula van Spaignen), Bruges
La Vierge Noire de Donji Kraljevec, Comté de Medjimurje, Croatie
La Vierge Noire de Saint-Sauveur d’Aix, Aix-en-Provence
La Vierge Noire d’Avioth, Meuse
La Vierge Noire d’Altötting, Bavière
Notre-Dame de Dublin, Irlande
La Vierge Noire Theotokos de St-Théodore, Russie
La Vierge Noire d’Atocha, Madrid
La Vierge Noire de Hamrun, Malte
Notre-Dame des Hermites, Einsiedeln, Suisse

C)Quelques répliques de Vierges Noires Européennes en Amérique

Notre-Dame d’Aparecida, Brésil
La Negrita, Cartago, Costa Rica
Black Madonna Shrine, Missouri
National Shrine of Our Lady of Czestochowa, Pennsylvanie

Le culte de la Vierge Noire, paraît-il bien vivante en Haïti, date de l’ère précolombienne et fut pratiqué jusqu’au départ de Toussaint Louverture, gouverneur de Saint-Domingue, puis prisonnier de Napoléon. (18)

La Vierge Noire, autrefois identifiée à l’image de la dame de l’Immaculée Conception, « prototype et archétype de la femme atlante autofécondable (franche génitrice) était générée (et l’est encore) par tous les peuples comme le symbole de la prospérité et de la fertilité ».

Certaines confréries du genre hermétique l’appellent « La Veuve ». Elle est aujourd’hui, en Haïti, divisée en deux personnalités distinctes : Erzulie Fréda, la passionnée et la sensuelle ; et Erzulie Dantor, la déesse noire d’un très fort caractère.

Et le poète Apulée (2) de lui faire dire : « Je suis la Nature, mère des choses, maîtresse de tous les éléments, origine du principe des siècles, divinité suprême, reine des mânes, première entre les habitants du ciel, type uniforme des dieux et des déesses. C’est moi dont la volonté gouverne les voûtes lumineuses du ciel, les souffles salubres de l‘océan, le silence lugubre des enfers. Puissance unique, je suis l ‘univers entier adoré sous plusieurs formes avec des cérémonies diverses aux mille noms différents. Les Phrygiens, premiers nés sur la terre, m’appellent Déesse-Mère de Pessionte ; les Athéniens autochtones me nomment Minerve la Cécropienne ; chez les habitants de l’île de Chypre, je suis Vénus de Paphos ; chez les Crétois armés de l’arc, je suis Diane « Dictynna » ; Chez les Siciliens qui parlent trois langues, Proserpine la Stygienne ; chez les habitants d’Eleusis, l’antique Cérès. Les uns m’appellent Junon, d’autres Bellone ; ceux-ci Hécate, ceux-là, la déesse Rhamnonte. Mais ceux qui les premiers sont éclairés par les rayons du soleil naissant, les peuples de l’Éthiopie, de l’Asie et les Égyptiens puissants par leur antique savoir, ceux-là seuls me rendent mon véritable culte et m’appellent de mon vrai nom : La Reine Isis. »

Et qu’il en soit ainsi. (19) Que la Vierge Noire, Notre-Dame du Perpétuel Secours, la Mater Salvatoris, continue de veiller sur HAÏTI, la Perle, et sur tous les Haïtiens.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

(1) Rabbi Siméon bar Yo’ haï : Sepher Ha-Zohar, (Le livre de la Splendeur), précédée d’une Introduction par A. D. Grad, Maisonneuve et Larose, Paris, réimpression 1970.

(2) Ernst Cassirer : Langage et mythe (A propos des noms de dieux), de Minuit, Paris, 1973.

(3) Milo Marcelin : Mythologie vodou (Tomes I et II), Les Éditions Haïtiennes, Port-au-Prince, 1949-1950.

(4) Gérard Alphonse Férère : Le vodouisme haïtien, sans nom d’édition, Philadelphie (USA), 1989.

(5) Saint-John Kauss : La terre, les hommes et le pouvoir des dieux, in la revue Hauteurs (France), no 21, décembre 2006.

(6) A. D. Grad : Moïse, l’Hébreu, du Rocher, Paris, 1985.

(7) Père Gilles Jeanquenin : Le Prince des anges - Saint-Michel, Pierre Téqui, Paris, 2002.

(8) Père Valentin Strappazzon : Saint-Antoine de Padoue, Pierre Téqui, Paris, 2002.

(9) Jacques Roumain : À propos de la campagne anti-superstitieuse, Impr. de l’État, Port-au-Prince, 1942 ; Le sacrifice du tambour Assotor, Publications du Bureau d’Ethnologie, Port-au-Prince, 1943.

(10) Wilhelm Reich : Le meutre du Christ, Champ Libre, Paris 1971.

(11) Abbé Jean Milet : Dieu ou le Christ, de Trévise, Paris, 1980.

(12) Jacques de Bascher : La Vierge Noire de Paris, Tequi, Paris, 1980.

(13) Roland Bermann : La Vierge Noire, Vierge initiatique, Dervy, Paris, 1993.

(14) Jean Hani : La Vierge Noire et le mystère marial, Maisnie Trédaniel, Paris, 1995.

(15) Sophie Cassagnes-Brouquet : Vierges Noires, regard et fascination, du Rouergue, 1990 (réédition 1999).

(16) Fulcanelli : Le mystère des cathédrales, J. J. Pauvert, Paris, 1983.

(17) Denise Péricard-Méa : Autour de la Vierge Noire du Puy en Velay, dans L’Auvergne & Le Limousin, Larousse, France Loisirs, 1997.

(18) Élie Lescot : Avant l’oubli : Christianisme et paganisme en Haïti et autres lieux, Impr. Henri Deschamps, Port-au-Prince, 1974.

(19) Laënnec Hurbon : Dieu dans le vaudou haïtien, Payot, Paris, 1972.

LA VIERGE NOIRE

Elle a les yeux pareils à d’étranges flambeaux
Et ses cheveux d’or faux sur ses maigres épaules,
Dans des subtiles frissons de feuillages de saules,
L’habillent comme font les cyprès des tombeaux.

Elle porte toujours ses robes par lambeaux,
Elle est noire et méchante ; or qu’on la mette aux geôles,
Qu’on la batte à jamais à grands fouets de tôles.
Gare d’elle, mortels, c’est la chair des corbeaux !

Elle avait souri d’une bonté profonde,
Je l’aurais crue aimable et sans souci du monde
Nous nous serions tenus, elle et moi par les mains.

Mais, quand je lui parlai, le regard noir d’envie,
Elle me dit : « Tes pas ont souillé mes chemins. »
Certes tu la connais, on l’appelle la Vie !

(Émile Nelligan)




BÔ KAY NOU


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