Rassurez-vous ! Je dérape peut-être, mais la logique du monde demeure stable. La ligne de tête pour la raison. La ligne du cœur pour la passion. Et comme on le prétend, la ligne de l’estomac jusqu’au ventre pour les irrésistibles tentations gourmandes ; au point de dire : « Ventre affamé n’a point d’oreille ».
A propos, je n’ai jamais compris pourquoi la gourmandise se retrouve au rang des plus gros pêchés, puisque l’être humain subit en quelque sorte une envie insatiable de s’empiffrer.
Au pire, manger démesurément à sa faim devrait être une souffrance morale. Et si c’est un péché, la gourmandise est une offense infligée à soi-même …
Ah ! C’est peut-être parce que chaque victime est plus convaincue de vivre pour manger que de manger pour vivre ! Cette curieuse spéculation ne satisfait toujours pas mon interrogation.
Malgré tout, je ne voudrais pas non plus contredire les dogmes ni les principes religieux, mais en poussant ma réflexion plus loin, je ne peux m’empêcher de penser à boulimie et à l’anorexie qui sont des dérèglements extrêmes enregistrés dans le système du corps humain.
La combinaison de ses deux troubles d’alimentation est engendrée par des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux selon les experts dans le domaine. On peut en déduire que face à la science, ces défauts ou ces faiblesses seraient discutables sur le plan spirituel…
Je gage que vous ne m’avez toujours pas vu venir avec le dernier argument qui suit. Voyons ! L’obéissance n’est-elle pas une des plus belles vertus désirées et désirables ?
Lorsque j’ai fait la connaissance du propriétaire de la petite entreprise familiale, il s’est montré sociable, courtois, ouvert, serviable, disons franchement sympathique.
Sa fille était à l’accueil alors que le père venait de sortir un plateau de pâtés chauds de l’arrière boutique. Encore indécise devant l’assortiment de friandises installés derrière le comptoir, et voulant du même coup m’informer du prix respectif des desserts, je pointais du doigt successivement les tartelettes, les chaussons, les tranches de gâteau glacés et non glacés, les portions de mille feuilles, les carrés de pain patate.
Sur un autre présentoir s’affichaient des comparettes, du pain fesses, du pain boîte, du pain baguette, du pain hareng. Au rayon des produits réfrigérés, j’ai remarqué de l’AK 100, ce breuvage hautement exotique que presque tous les haïtiens raffolent. L’exercice de marchandage me paraît toujours exténuant.
Mais quand les prix ne sont pas individuellement affichés à côté de chaque produit, l’acheteur est forcé de se renseigner avant une éventuelle transaction !
Et quant la séance de négociation s’est estompé avec la jeune fille, j’ai aussitôt adressé la parole à l’adulte.
Vous êtes- vous récemment établi dans le quartier lui ai-je demandé ?
Cela fait presque un an que nous desservons la clientèle.
Pourtant, je n’avais jamais porté attention jusqu’à aujourd’hui répliquai-je.
La conversation a pris chair, car il m’a répondu : J’ai appris à observer réellement lors d’une formation pour devenir guide (Chauffeur de taxi). Durant les cours pratiques, les instructeurs organisaient des rallies nous forçant à découvrir tout ce qui est autour de nous, des éléments de repère. Entre temps, j’ai remarqué que le commerce était fréquenté par les enfants des environs qui venaient à intervalle régulier s’offrir des petites gâteries de leur argent de poche.
Tout comme moi d’ailleurs. Car j’étais précisément là pour l’achat d’un gâteau d’anniversaire. Je n’avais pas l’intention d’acheter du pain parmi la gamme de produits qui s’offrait à mes yeux.
L’habile homme d’affaires m’a proposé alors de déguster la spécialité de la maison : le pain hareng fumé.
Il a poursuit : « C’est un produit à usage multiple. Car il contient tous les ingrédients nécessaires pour concocter une bonne soupe au cresson à saveur d’hareng fumé. »
Même si beaucoup de nos compatriotes sont friands de cette soupe. Malheureusement, l’odeur persistante après cuisson décourage plusieurs à l’apprêter. Finalement, cette trouvaille est un régal. Au coût de $ 1,59, il est tranché sur place selon le goût du client.
Au rayon des pains traditionnels et petites trouvailles don le pain hareng
Ce jour là, j’ai quitté le lieu avec la sensation d’avoir côtoyer un être, qui a le sens des affaires. Un simple citoyen, de foi chrétienne, à l’esprit innovateur, avec quinze ans d’expériences et qui a pris 6 ans de son temps et argent pour concrétiser son projet.
En fait, dans le monde de l’imaginaire, Je fréquente régulièrement des poètes qui sont des marchands de rêve. J’ai lu récemment dans le magazine européen : L’EXPRESS un article de la rubrique société : FAUX ARISTOCRATE, VRAIS TAUDIS qui qualifie les contrebandiers liés au secteur de l’immigration de « marchands de sommeil » (www.lexpress.fr, édition du 15 au 21 mai 2008).
Bernard, a-t-il une triple vocation ? Pâtissier, boulanger et marchand de petit bonheur…