Mise à jour le 18 décembre
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Au Nom de Kareem - Haïti

L’indignation qui a suivi le sacrifice odieux du jeune Kareem Gaspard enfle dans le pays. Un pays qui a marre de se poser des questions et qui voudrait bien commencer à voir un début de réponses à son mal être. On lui a tant parlé des bienfaits de la démocratie pour laquelle il a déjà payé le prix fort et, au nom de laquelle on le convoque dans des élections interminables. Qu’il est désespérant pour ce peuple de voir les maigres résultats d’un terreau politique et social rocailleux qu’il a si souvent arrosé de son sang !

Par Roody Edme

Il y a de ces violences qui arrachent les tripes d’une nation et provoquent un ras-le-bol généralisé, une sainte colère capable de balayer toutes les peurs et de galvaniser les énergies pour un grand sursaut de salut public.

Un écolier brillant et talentueux, avenir d’un pays en mal de futur est assassiné et torturé face au soleil. Ce meurtre nihiliste est une déclaration sanglante de mise à mort d’une jeunesse saine et studieuse. Car Kareem était un symbole d’excellence selon les témoignages que nous avons pudiquement recueillis pour respecter le silence digne de ses proches et de ses maîtres d’école.

Il y a dans ce geste irréparable le procès verbal d’une déchéance morale qui mérite une réponse des familles, des églises, des associations toute tendance confondue, de toutes les sensibilités et intelligences que peut compter ce pays « où l’on va à la mort par habitude » comme le clame le vers meurtri d’un poète.

Et le sang du juste risque de retomber sur tous ceux qui ont la charge de ce peuple. Tous ceux dont les conciliabules interminables autour du leadership de ce pays ne peuvent que profiter aux assassins qui essaiment dans la ville recouverts du voile sombre de l’impunité la plus crasse.

Dans une conjoncture aussi urgente, un Etat décérébré et vidé de sa substance est un pantin minable dans ce carnaval de l’horreur qui gesticule tragiquement dans nos rues.

Le ballet institutionnel aux allures funèbres de nos « maîtres » en politique et qui écrivent avec une rare inconséquence la chronique d’un échec assuré ne fait qu’enfoncer le clou de l’indifférence des grands dans la misère des plus faibles. Et chacun pourra, comme cette célébrité d’un grand récit, se laver les mains, tout en se préparant à récolter la mise de la prochaine « révolution ».

La question est donc trop grave pour la laisser aux seules autorités. Et les réactions qui fusent un peu partout semble donner le ton du sentiment profond d’injustice qui traverse notre société. Elle doit prendre l’allure d’une mobilisation de tous les instants, d’une solidarité comme pour parer à une grande catastrophe. A moins qu’on veuille continuer à entonner hypocritement le couplet de l’hymne national sur le ton injonctif du « formons des filles...et fils...dont toujours nous serons fiers » pour les retrouver ensuite méconnaissables à proximité d’un abattoir.

Que peut-on reprocher à un enfant pour se déchaîner ainsi sur son petit corps dans un crime ultime de lèse patrie ?

La police en dépit de ses faibles moyens doit renforcer ses activités dans nos rues. On n’entend pas parler de plans pour faire face aux rapts de nuit, métastase d’un mal contre lequel les forces de l’ordre avaient quand même marqué il y a un an quelques points. A moins que, le fonctionnement tire-bouchonner et complexe de nos institutions ne soit une fois aggravé par l’absence d’un chef du CSPN non démissionnaire.

En face, il y a des durs qui manient le crime avec une dextérité de clowns de l’enfer et qui n’ont pas de scrupules à précipiter ce pays dans l’abîme.

Le sang versé de Kareem peut-il nous ramener à plus de responsabilité, de gravité dans l’urgence. Il doit par-delà les regrets, les larmes amères, les postures outrées conduire à une campagne nationale contre le déni d’humanité, contre cette peste sociale qu’est le kidnapping.




BÔ KAY NOU


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