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Vendredi 19 avril 2024 09:09 (Paris)

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Traduire le langage codé du poète Saint John Kauss (2ième partie)

Palmes est une poésie suave, d’occasion unique où le l’ascendant sanctifie de ses mots purs les circonstances de l’union de ses parents. Le poète honore surtout la fécondité sa mère.

Par Marie Flore Domond

« de ce mémo partagé qui fit de toi et de ton corps un empire / ce navire couronné d’eau douce et de soleils des hautes tiges frontalières
royaume et mère de poètes
 »

La mère du Dr John Nelson
Mathilde Philomène Pierre Antoine Nelson
Vers l’âge de 23 ans

Le créateur peint sa fierté nordiste de vaillance en frôlant la solitude de ne pas avoir grandi sur la terre ancestrale. Cependant, il pointe son enracinement mystique incarné par la puissance contenue dans le noyau de ces descendants mort-vivants.

« c’était cette ville de rebelles qui disparaît dans mes nuits de veille gardes à tout honneur et tout hommage à ses buveurs de grands chemins
c’était cette cité de mille archives où se promènent encore mes morts sous terre à quatre temps
sous la supervision de mes ancêtres attachés à l’audience
 »

(…)

« ô Ouanaminthe
cité à redessiner dans mon acte de baptême
en double dissidence
terre mêlée de l’homme hybride
terre de mes morts infatigables dans leur secret de tombeau
 »

Si on fait référence à la Palme d’or comme symbole de récompense pour les artisans du septième art, la dimension pluraliste emprunté au titre du poème laisse croire que Saint John Kauss confère à sa mère une révérence supérieure. Mais au-delà de cette reconnaissance grandiose, il ne lâche pas prise à la douloureuse souffrance vécue en raison de la séparation du couple. Il semble blâmer le temps de l’inspiration l’émancipation féminine. Cette saute d’humeur qui transpire sa nostalgie.

(...) « de ma naissance destinée à l’amitié des mots
pour bâtir la maison du poète des cités
c’était avant que les femmes parlent à l’océan
à la rivière
des cathédrales et des massacres d’hommes
du village »

On retiendra dans les ouates du poème entier la valeur profonde du patrimoine des aînés touchée d’une brise de félicité propre à l’auteur.

(…) « c’était cette terre de mes ancêtres
qui relie l’espoir
des conquérants à la bonhomie de l’Indigène
de mon grand-père métissé
éternel guide des corps et âmes sur ses terres
tout honneur et tout hommage aux femmes / enfants et filles de sa lignée
qui couronnaient son passage comme un oiseau dressé dans la Cité »

Philomène Pierre-Antoine / Nelson à 33 ans

À ce jour, sur l’ensemble de ses œuvres poétiques, le poète Saint-John Kauss a dédié cinq textes poétiques à sa mère. Nous avons retracé Palmes dans le manuscrit Nomades, Recueillement classé dans Talismans, qui sont encore des œuvres inédites. Innocence quant à lui est répertorié dans l’un des ses plus anciens ouvrages parus aux Éditions Choucoune, à Port-au-Prince (Haïti) en 1979, sous le titre de Autopsie du jour. Elle (sa mère) fait aussi l’objet d’un hommage dans Le Manuscrit du Dégel publié à l’été 2006. Néanmoins, la présentation a été subtile, car l’auteur n’a indiqué que les prénoms de son père (Luc) et de sa mère (Mathilde). L’ouvrage de cent cinquante-neuf pages contient huit poèmes : Mes dits manichéens, Ma terre sienne de ciel brûlée, Chant d’amour dans le brouillard, Poème de nulle part et d’ailleurs, Feuillets sans suite, Corps de femmes, Chairs, et Territoire d’allégeance, tous dédicacés à ses deux parents. Le poète honore par ailleurs sa mère en faisant d’elle la vigile d’un autre poème inscrit dans Testamentaire (1993). Il s’agit de cette belle élégie intitulée : Énigmes et fuite sans entraves.

Nous aurions pu analyser le poème Innocence avant la poésie Palmes, mais nous avons choisi l’inverse parce le lointain ne situe pas près de nous. Il nous faut aller le rejoindre. Conséquemment, Palmes est notre point de départ. Puisque nous avons le loisir d’enjamber le passer en installant le récent comme file conducteur de absence en ayant soin d’extirper les souvenances du silence. Ce n’est pas un cheminement fantaisiste. Nous pensons que cette formule peut nous amener à repérer le conditionnement de l’esprit du créateur autant que son sujet. Palmes a été crée en mai 2002 et Innocence, à l’automne 1976. Nous n’avons qu’à remonter par ordre décroissant dans le temps pour découvrir si l’auteur n’aurait pas perdu ou gagner des vibrations à travers ses sentiments. C’est de cette émotion dont il est principalement question. Le fils qui témoigne à sa mère ses peurs, ses joies, ses déceptions, ses attentes, ses espoirs et ses déboires.

Ses Peurs

« 1
La terre sera encore mon poème…
Car je me souviens toujours
Des gifles de l’horizon
Et il faut souvent sourire
Pour refermer les plaies
Aux tisons du soleil

2
J’ai vécu et j’ai grandi
Au quadrant du souvenir
Ma vie fut un laser
Qui se perdait dans l’espace.

3
Douleur à l’envers
De mes membres
Mes désirs violents
À tes paupières
Arpentent les barrières.

(…)
« 26
Émerger de la nuit
Et garder le secret
L’aurore s’enfante des bécasses
Un peu trop près du rasoir »

Ses joies

(…)
« 10
Vivre au cercle de tes joues
Ce poème lissé entre crochets
Est le symbole de la lumière

11
Il pleut du soleil
Au crachat du nylon
Et le lac St Jean de ma mouche
Couronne l’orchidée de temps

12
Ô mère blottis-toi
Dans les bras de l’aurore
J’ai gardé de toi
Tout l’amour de l’Amazonie

(…)
28
Je regarde la terre
Et j’éclate d’un sourire

29
Je baisse l’arc-en-ciel
Et me verse à boire

(…)

« 73
Tu es la perle enchantée
Aux confins du désir »

Ses déceptions

(…)
« 7
Ton départ avait tout détruit
J’écarte aujourd’hui les branches
Pour violer l’éclat des éclairs

(…)
14
Je connais trop d’amours truqués
Pour marcher avec la foudre
Entre mes mains

15
Mon cœur ignorant
S’arraisonne de fissures
Suffirait-il de croire
En la morsure des baisers

(…)

« 33
Ô germe de lumière
Les pluies suicidées nous lancent
Des bouquets tristes d’orties

34
Le soleil avance et trébuche
Et les écureuils en service
Essayent d’aboyer

(…)

« 36
Au pays où je sur-vis
S’offre une marguerite chantante
Et l’angoisse en mes veines
Brise la source jusqu’au soir

37
Quelque part aux Antilles
Un enfant s’est trop saoulé
De soleil
Et les plantes divaguent
Sans cantique précis »

(…)

« 58
Le temps toujours s’emparent de l’horizon
Et j’entends la voix du torrent
Qui gémit sans formule funeste »

(…)
« 63
Le vent craque des îles
J’apprends l’infini du vertige
Aux séquences de l’être

(…)
« 65
Les sourds n’ont pas entendus
L’appel du vent
Et les aveugles n’ont pas vu
Disperser la mer »

Ses attentes

« 8
Ô soir magnétique de l’écriture
La fille qui me fera chavirer
A cesser hier d’user l’univers

(…)
35
Je veux que tu demeures
Et renaisses comme cette rose
Au berceau

(…)
« 54
Je ne peux point oublier ton nom
À l’approche du jour

55
Si tu savais combien je noue
Ton visage aux chandelles de cire
Tu t’évaderais en beauté au-delà
Des gestes interdits »

Ses espoirs

(…)
« 19
Je parlerai de toi
À mes frères du siècles

(…)
« 41
Les fleurs en partance
Comme une main d’arc-en-ciel
Je lève mon verre
En ton honneur, ô femme du soleil »

(…)
« 59
Nous vaincrons « demains » ô mère
Et tes fils épuisés brilleront comme
Lanternes d’une jonque

(…)
« 74
Et l’enfant que je suis
Luttera dans ce monde
Pour te voir couverte de gloires »

Ses déboires

(…)
« 9
Je donne mes yeux
À la colère grande de l’automne
Je veux voir éclater les lunes
À chacun de mes mots

(…)
« 38
Présence de ruines
Absence de démence
Or je porte en moi
Les tares d’une étoile »

(…)
« 47
C’est le temps de l’hystérie
Humant l’éternité

48
La vie est un immense théâtre
Et la mort chevauche des serpents
De pierre

49
Sommes-nous des dieux authentiques
De l’inconscience ?

(…)
« 70
C’est mon cœur
L’appel des gosses de vigie
C’est ma vie
L’angoisse des mares déguisées

71
Je t’entends encore brûler les liens
De l’espace en pleurs
Et l’oiseau
Debout se prépare à guetter la fontaine

72
Tu n’es plus la femme
Livrée aux matins
Ni la fée des ballades-mystères »

En reliant le temps de l’écriture récente de l’espace créateur antérieur de Saint John Kauss, on se rend compte qu’il délaisse l’élan de tendresse qu’il manifestait à l’égard de sa génitrice. Disons que le lien de familiarité cède la place à la mode impératrice où le protocole du respect prime sur l’approche affective. Les messages adressés à son sujet deviennent donc plus impersonnels.

Mathilde Philomène Pierre Antoine vers 43 ans

(Palmes, Extrait de NOMADES, poésie, inédit)

(…)
« c’était dans l’abondance et aux miracles des fleurs
de cet amour
si l’on se donne le temps des écritures
une femme porteuse d’espoirs
que rendit folle mon père
homme d’élocution et poète après Vilaire »

(…)
« 40
Je me tue mère à pleurer
Des deux yeux
Et ton visage se pose en volet
Aux sillons de mon cœur »

(…)
72
Tu n’es plus la femme
Livrée aux matins
Ni la fée des ballades-mystères »

Ce n’est pas uniquement la rupture du lien marital que le poète déplore dans Palmes. Il évoque aussi l’attirance tumultueuse des jeunes gens au début de leur romance (sa mère Mathilde et son père Luc). Cet amour de jeunesse qui jadis, avait sans doute pris tout le monde par surprise provoquant dès lors des mésententes de clans parentaux.

de cet amour en avance qui pleure encore la nuit
qui a semé la panique des cœurs
du domaine et de tant de voix
que célébraient les essarts de soleil

Malgré vents et marrés, il bénit le ciel d’avoir eu le privilège d’être l’aîné de cette union contestée à la grandeur de son village natal.

tes eaux et tes soleils savent que j’y suis né
un mois de feu sous les morilles
en loques d’amour de deux géniteurs
qui n’avaient pas peur des rumeurs du pays
jusqu’aux confins des éteules

Mais il maudit les préjugés et désaccords des deux clans qui lui ont ravi la bénédiction qui aurait due écouler de la vie conjugale de ses parents.

une race d’hommes dans les sagas de la ville
ville d’offres et de négoces à n’en plus finir
qui aurait inventé la fille joyeuse de Colomb
prince des mages originels
mais soumis au crime du silence

L’auteur reconnaît que malgré la nature rebelle de sa mère, celle-ci n’a pas manqué de faire des concessions au nom de la famille.

(…)
« 50
Piste sans fin
Sous un ciel sans nuage
J’ai le souffle d’une mère
Qui se confond avec l’hiver »

La dissolution de l’union des parents du poète circule dans ses viennes comme une substance nocive. Et la seule issue est la possibilité de recycler le mal dans sa poésie.

(…)
« 36
Au pays où je sur-vis
S’offre une marguerite chantante
Et l’angoisse en mes veines
Brise la source jusqu’au soir »

Ainsi, le créateur subit les intempéries de cette épreuve sans espérance réelle d’une cure définitive.

(…)
« 63
Le vent craque des îles
J’apprends l’infini du vertige
Aux séquences de l’être »

Le poète accorde une part de responsabilité à son entourage qui n’a sans doute pas été apte à lui prodiguer l’appui nécessaire.

(…)
« 65
Les sourds n’ont pas entendus
L’appel du vent
Et les aveugles n’ont pas vu
Disperser la mer »

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