Mise à jour le 26 septembre
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Poème de Saint-John Kauss

VILLES

à René Philoctète

« Ce n’est pas le monde qui nous fait souffrir, mais les opinions que nous portons sur lui et notre attitude face à la vie. »
(Montaigne)

Toutes les villes ont leurs histoires de sang
de sel frais
de carnavals aux fûts des arcs-en-ciel

toutes les villes ont leurs histoires d’hommes libres
des mots à dire sous la fumée des cigares
des femmes de paille consolatrices des douleurs
des victoires remémorées au salon du souvenir
des hommes en guerre sans fin dans leurs misères
et des remords quelque part dans le cœur
toutes les villes ont leurs rues d’enfants inanimés
des blessures noyées dans le fond des nuits
des amis disparus à l’orée des étoiles résignées
des fiancés trahis jusqu’à l’humiliation suprême

toutes les villes ont leurs histoires d’amour
d’heures libres aux yeux de l’arc-en-ciel
de femmes blessées dans leur silence
de filles catégoriques dans leur orgasme
de mains immaculées jusqu’aux bords de l’ivresse
de pauses certaines au gel de l’infidèle
de jeunes mariés qui n’aiment plus les confettis
toutes les villes ont leurs histoires d’orgues
mures des souvenirs qui ne puissent chavirer la mer
de fleurs qui se taisent à chaque angoisse verticale
de matins heureux qui saluent le bonheur
de tranquilles assassins aux gestes mendicitaires
de murmures trop voilés qui indiquent le chemin du désespoir

toutes les villes ont leurs histoires de révolution
l’enchantement des grands gestes utiles
l’égarement dans la foulée de dix mille vies
les grâces de l’arc-en-ciel dans les chaînes de l’espoir
l’illusion de la géographie qui s’ouvre aux étoiles
la liberté dans les mots qui chassent les solitudes
le sourire triste quand il ne faut pas pleurer

toutes les villes ont leurs histoires de sang
de globules frais
dans la nudité des anneaux
le corps du révolutionnaire englouti
dans les forges

toutes les villes ont leurs histoires de paix
la belle paix que l’on souhaite à chaque fenaison
la saison des amours et des cigales
Ô filles
le désarroi des semeurs et des diseurs de bonne aventure
la longue marche des grévistes aux carrefours des histoires
la faiblesse des vaincus habités par mille regrets
les visages qui se lèvent à l’effondrement de la première victime

toutes les villes ont leurs histoires de deuil
deuils et mélancolie dans les limbes de la terre
d’hommes bouleversés vers les mélasses du quotidien
de mains mouillées aux ancrages des paquebots
de marins et de marchands d’opium aux racines de l’oubli
de navires pleins de filles amoureuses qui rêvent de paradis sur terre
deuils de pluie glacée aux sept plaies de l’Égypte
ô lait blanchissant mon âme contre tout fruit défendu

toutes les villes ont leurs histoires d’enfants
d’enfance à la misée de l’aube aux pas incertains
de balançoires de filets grimpeurs et de jets d’eau
d’innocence dans les parcs d’attraction au creux de la joie
de songes imprévisibles au balancement des premiers gestes
de rêves apprivoisés au gazouillement des premiers mots
d’enfants plaintifs à la merci des étoiles

toutes les villes ont leurs histoires de mères
de pages trop maternelles aux vallons des plaisirs
de mères aux deux bras ouverts Ô cœurs sacrés dans la nuit
de chrysalides aveugles saignant des ailes et des paupières
de femmes aux yeux torturés d’amour et d’eau fraîche
de filles qui aiment trop jusqu’à un léger seuil de tolérance
de fiancées à peine mariées qui courent déjà après leur ombre
de mères anonymes qui refoulent la mer au péril des infidèles

histoires d’éternels passagers contre le temps
vagues d’une égale naissance
voyageurs souverains de chaque matin masqué du soleil
de chaque jour
de chaque feuille morte du bout des doigts
de chaque enfant
de chaque homme libre privilégié sans fin
à qui il eût fallu à grands pas
la haute délivrance des jours sans elles
les villes qui pleurent aux limons des vacarmes

Saint-Léonard (Montréal), 25 juillet 2005

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