Mise à jour le Février 2022
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Vendredi 29 mars 2024 08:56 (Paris)

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Poème de Saint-John Kauss

POÈME DU PACIFIQUE

à Dimitri à Taïna

« Mer vous vous moquez de ma demande
vieille usurière riant sous cape
et déroulez comme un roi fou votre manteau d’écume.
Mais ayez pitié de ceux-là qui furent bourreaux par cupidité
et donnez-moi la force de croire qu’ils furent des hommes comme moi
. »
(René Philoctète)

Plus rien de ton amour qui s’efface avec toi dans un chaos où la guerre n’était que chimère
inoubliables chimères de la plante fugitive qui chercha vainement divagations de la mer pacifique

plus rien de ce regard d’anémone
des Maoris et autres indigènes qui s’annoncent vestiges de la mer océane s’offrant à la nuit / cette nuit qui fait ses premiers pas de totem dans un roulement de linceuls de tambours et de maniboulas acclamés par la quenouille comme la fougère heureuse

plus rien que la grisaille dans tes yeux bernés en porte-à-faux
le vide de ta soif d’être
immaculé dans le Pacifique en berne
des premiers sapins en luzerne / spirale quand on entend siffler le vent des aulnes et des envahisseurs
ce vent de l’empire du soleil levant / bridé à chaque roulement de tambours / de marée haute dernière qui s’acheva quelque part dans la transparence des caravelles et des profiteurs à gages

s’achevait avec ces rafles le temps béni des dieux et des icônes / mères de l’océan qui se lance et se fracasse contre les lobes du temps
usurier pathétique des innommables heures à repérer le vent

poésie ô poésie
témoin coupable de cette absence et de nos solitudes
Poésie gardienne fidèle des citadelles d’histoires
Roulement primaire des mots jusqu’à l’épiphanie du verbe
Papiers peints des épopées muettes qui me rappellent ton visage et cet hamac d’indigène battu jusqu’à la déraison
poésie ô poésie

au souvenir de tes indifférents combats avec la vie
pacifique Sud de l’équation chimique de l’eau lunaire et de ses dérivés / fleurs obèses et gourmandes imaginées entre les spasmes de ton visage
ô poésie de la fission de l’atome et des hommes
ô poésie

le poète aveugle / Homère des berges précipitées d’où je réclame avec force et regret la magnificence des étés et des lambeaux d’instants neufs à découvert
Ô toi poète du sable / des grands espaces méditerranéens pleins d’échos et d’arrogantes fleurettes de la mer Égée
je te rends l’amour de l’histoire crétoise sans la sévérité de la langue du minotaure

serait-ce l’écho de la rumeur du monde / des promesses et de la terre promise que j’appréhende par cupidité dans mon rire fou de bohème / de salamandre heureuse dans son amphore

serait-ce par sincérité de la fleur habitée des dieux
fleur océane qui naît tel un écho où erre la déchéance / la douleur de l’atlante qui m’était familière

autant de vacarmes façonnés autour de la terre qui gronde sans pardonner à la foule / ce lot d’accoutumances de déboires et de débauches
Si peu de silences dans cette nuit du monde irréfléchi fumant le calumet d’opium pour apaiser les dieux que nous tenons avec tristesse dans nos mains lourdes et sévères

mon côté gauche (je l’admets) est héritage d’une fleur ancienne l’ombre de mon ombre s’agitant et tissant ce poème / poème que je relis dans la nuit / à chaque nuit territoire de l’être et de la Joconde

l’énergie du point zéro à déformer les tissus de l’enfantement / de la conjugaison des cœurs qui élisent domicile dans le territoire de l’homme / du bohème et de ses afflictions
point zéro de l’écriture et de la consécration des signes confédérés au poète

maître des mots et de ces alphabets partagés entre l’allée et l’odyssée des poèmes / des siècles qui accompagnent lilas et pissenlits sous l’ellipse muette du soleil

l’œil / l’iris / le cristallin / la cornée et la rétine où passaient ces images vagabondes qu’accomplissent l’exil les randonnées la pénitence des fleurs tachées de toutes les saisons naufragées mais pour aimer

boucaniers aux épiphyses réduites par les longues marches de la chasse
fils des Andes et des dunes
cannibales heureux de tout ce qui fut eau salée à l’abondance / mer nourricière des trappes et de la foule assise sous l’ajoupa et près du feu indicateur des lieux dits des contes et légendes

poésie ô poésie terrassière de nuit et compagne des yeux
haute comme l’illusion d’une journée de prière
éternelle comme l’histoire des grandes découvertes
Poésie taciturne quand il le faut mais absente quand tu te caches entre deux croissants de lune
poésie ô poésie

plus rien de ces histoires de peuples à raconter debout
contes tirés près du feu et des bois
glyphes des dieux elliptiques à dessiner et à retenir pour la célébration de l’eau et des mots de la joie à conquérir

poésie ô poésie située dans l’affrontement mais pour la grande amitié entre les hommes
Poésie de ma propre condition d’homme des mots et des eaux
Poésie de l’île à rebâtir dans l’espérance et dans la naïveté des hunes et du chiendent
poésie ô pacifique poésie

plus rien que ces statues du temple ces sacrifiés aux mains du prêtre cette course folle sur la berge ces femmes distantes jusqu’à la mort des fleurs ces chants fugaces jusqu’à la dernière goutte d’homme ces oiseaux et ces filets ces gondoliers aux yeux cernés ces sentinelles taciturnes ces filles agiles comme l’abeille ces bambins et ces vieillards abandonnés

cette solitude et ce poème dédicacé à la mer
cet oiseau fou halluciné ces débauchés ce vieux marin ces mouchards et ce passeur paraplégique ce missionnaire et ce marchand de fleurs

vous tous mes mots d’amour mes déchirures mes mépris et mes désirs mes tourbillons mes angoisses mes lourdeurs et mes errances mes noyés et mes fissures mes nausées mes conquêtes mes malaises mes néons de l’illusion mes amours à perpétuité mes mégots et mes brisures ma vérité et mon destin ma prison mon avenir mes itinérances et mes marées en échange mes exploiteurs ma charité mes courants d’air et mes hantises ma douleur et mes frissons mes sautes d’humeur et mes soumissions au passé mes victoires et mes défaites ma souffrance et mes espérances mes brouillards dans l’omoplate mes silences et mes instants du dedans mes tendresses et ma pudeur mon emblème et mes risques à prendre mes vibrations dans le fémur mes absences et mes airs oubliés mes éclosions et mes caresses mes chants si présents mes moisissures ma nudité et mes vêtements mes baisers et mes tâches de rousseur

vous tous
mes démesures
et mes battements de cœur
mes sifflements
et mes éclats de lumière
mes souvenirs
mes cadastres
et mes espoirs
mes incantations allégoriques
mes soupirs au thé de camomille
mes bains d’eau de citronnelle ointe
mes marionnettes et mes objets
mes débris mes nids d’oiseaux à la dérive
mes hirondelles ma déraison
mes doigts figés à chaque regard
mes contorsions et mes regrets
mes rasades de clairin vierge
ma signature consignée dans les livres
mes fractales
et
mes échanges
mes dulcinées au rendez-vous

mais vous tous
mes bien-aimées
et mes bas-fonds
mes agendas de l’innocence
mes hasards et mes promesses
mes trahisons et mes bienfaits
mes démunis mes cohésions mes malheurs et mes erreurs
mes reflets et mes ombres mes sans-asile et mes bibelots
mes emplois du temps et mes visées mes réverbères et mes trottoirs empilés
mes horizons et mes lenteurs mes mendiants mes sans-abri
mes érosions et mes rechutes
mes cassures et mes signes de rien mes germinations et mes attentes
ma détermination
mes conjurations et mes accompagnements
ma nostalgie mes envoûtements et mes désastres
ma lancinance ma dissidence
mes revendications et mes consignes
ma lassitude ma liberté et mes tas de soleil

ainsi va pour la mer pour le sultan et ses poèmes pour le tombeau des Rois et la botanique des fleurs
ainsi va pour la déraison et pour Rimbaud / marchand d’esclaves et de sarcelles / meneur suprême de caravanes et de chameaux à Tadjoua
ville poussière dans le désert et dans la répugnance des hommes fuis le poète pour fuir la littérature et ses maux
l’or et l’orgue et les mots de voyance Rimbaud et ses manuscrits inachevés dans la divagation des éventails sans ressemblance

poésie ô poésie gardienne de nos amours désespérées
Ô Pacifique terre que je salue au cellier du poème réanimant les escarres la femme et le floral
Ô compagnons condamnés massacrant la fleur boréale
Ô Pacifique mer des dieux des glyphes et des poètes sauvages / cannibales marins depuis la démesure et l’inimitié du noroît

mon côté gauche ( et je le répète ) est héritage d’une fleur dénaturée en ombelle qu’il m’en aura coûté de ne point la célébrer ô femme de la tourmente
capitale de mon génome
vieille usurière qui n’eût de cesse que d’être femme majeure libre et folle emballée par le vent

voilà ce que je dois à la largesse des hommes des femmes et aux mailles du temps souverain de tout

serai-je oublié demain comme ces mégalithes / pierres de la mémoire des hommes utiles et nécessaires à la reconquête et à la concrétisation des sentines et ruines du Pacifique

Delmas 3 et 5 (Port-au-Prince),juillet 2000

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BÔ KAY NOU


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